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Eloge de Joseph Roth, par Giorgio Agamben

Aucun écrivain du XXe siècle n'est aussi proche de nous que Joseph Roth. Nous aussi, nous ne pouvons pas croire que nous sommes citoyens de l'État dans lequel nous vivons. Nous avons été baptisés, mais nous n'appartenons en aucune façon à l'Église. Comme lui, nous n'avons plus rien derrière nous, pas un peuple et encore moins une nation. Mais cela ne nous prive pas de la capacité d'être heureux et d'essayer d'écrire et de parler joyeusement dans une langue que nous refusons d'identifier avec la diatribe insipide que les médias et les écoles ne se lassent pas de propager et de rabaisser. Sans croire à aucune des valeurs et des lois qui nous sont imposées, comme lui nous avons gardé notre foi vierge et intacte dans l'herbe, dans le ciel étoilé, dans le silence et dans la beauté des visages.

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Le sujet, ses convulsions : Chevillard monstre en main

Ça a déraillé comme ça : un narrateur se retrouve avec dans les bras un butin que lui a refilé in extremis un certain Oleg, lequel, poursuivi par des policiers, a préféré refourgué un sac à main à ce passant, lequel l'a alors dissimulé aussitôt sous un pan de sa gabardine – or on sait depuis Dans le labyrinthe de Robbe-Grillet (1959) que lorsqu'un personnage porte un paquet sous sa capote, il y a de fortes chances pour que le récit explose.

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Jamais un coup de dé n'abolira Luke Rhinehart

Psychiatre écœuré par l’incapacité de sa discipline à guérir le malheur humain, échouant avec une constance désespérante à écrire un livre sur sa pratique psychiatrique, car, faille petite mais significative, il n’a rien à dire, plongé dans un ennui qui tourne à la dépression dans sa vie bourgeoise et tellement routinière, Luke Rhinehart, le héros et narrateur de «L’homme-dé», fait en 1968 une découverte qui va transformer sa vie.

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Importance majeure du “Passager” de Cormac McCarthy

Toujours pas nobellisé, mais avec deux romans en 2023, on se demande bien pourquoi Cormac McCarthy ne le serait pas bientôt… Du tiercé des écrivains US réunissant Brett Easton Ellis, Thomas Pynchon et Cormac McCarthy, c’est bien lui qui a sorti la plus belle fulgurance littéraire de ce premier trimestre 2023, en jouant des ressorts de dialogues à se pisser dessus, d’intrigues puzzle enchâssées et de situations loufoques qui servent de lien entre les personnages et les histoires racontées. Sommet d’intelligence et d’écriture servi par une traduction magistrale : Le Passager. La suite : Stella Maris sort fin avril, on y reviendra… 

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Quand Polo parle: la double langue de Yéré nous entre-jaille

On ne se demandera pas ici si le nouchi est un argot ivoirien devenu langue ou un parler resté à l'état de langue véhiculaire. On se bornera de constater que, confié à un poète, le nouchi peut faire des étincelles et remonter les bretelles du bon vieux français.

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Un bon Indien est (forcément) un Indien mort de Stephen Graham Jones

« Un Indien tué lors d’une dispute devant un bar » : sous ce titre de fait divers quelconque ou presque (à propos duquel néanmoins la voix off de la narration nous prévient tout de suite : « C’est une façon de voir les choses »), c’est de la mort de l’un des membres d’un quatuor d’amis d’enfance qu’il s’agit. Un véritable récit d’horreur immémoriale inscrit au cœur d’une crise contemporaine d’identité amérindienne.

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Quand Rita cesse de fuir le mal, par Claro

Gaël Lépingle, à qui on doit un livre subtil sur l'Agent X27 de Sternberg ainsi qu'un beau livre sur Huy Gilles (avec Marcis Uzal), est de retour, cette fois accompagné d'une foudroyante/foudroyée icône: Rita Hayworth. "Sonnez trompettes et battez tambours, Mesdames et Messieurs, ici commence l'histoire glorieuse et lamentable d'une icône hollywoodienne archétypale entre toutes; grandeur et décadence, fait divers et conte de fée, les ingrédients y seront distribués avec une impressionnante exhaustivité"

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Les Cités englouties, la trilogie noire de Paolo Bacigalupi

Paolo Bacigalupi, auteur américain ayant longtemps vécu en Chine et en Asie du Sud-Est, est entré d’emblée au voisinage des sommets de la littérature de science-fiction. Ferraille, recyclage et petits trésors engloutis au cœur d’une vive saisie d’un capitalisme de l’effritement et de l’adaptation sous contrainte climatique. Les cités englouties offrent une magnifique immersion fictionnelle.

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Lavis sans cesse recommencé : à propos d'un recueil d'Yves di Manno par Claro

Bien sûr, le mot "Lavis" – qui donne son titre au dernier recueil d'Yves di Manno – entraîne le lecteur dans un monde pictural, en suggérant l'idée d'une couleur unique qu'en diluant on aide à nuancer – ainsi des mots auxquels il convient d'offrir des ombres et dégradés, ce qui somme toute est figuré dans le titre de ce livre, qui aussitôt s'entend: "la vie".

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