La focale en folie de Steven Pippin
Le britannique Steven Pippin transforme les objets de la vie quotidienne en appareils de prise de vue ou en sculptures cinétiques, faisant passer, comme Nam June Paik avant lui en vidéo, la photographie à un autre stade. Son exposition à Beaubourg célèbre l'ingéniosité qu'il a su mettre en œuvre dès le milieu des années 80, donnant d'autres perspectives au médium. Et ce, avant même l'arrivée du numérique.
En 1987, il convertit une cabine de photomaton londonienne en appareil de sténopé afin de réaliser son autoportrait à l’extérieur de l’appareil. « Ces deux appareils placés ainsi l’un à l’intérieur de l’autre, symbolisent la rencontre de deux technologies : un instrument plutôt grossier niché à l’intérieur d’un appareil photo couleur ultramoderne avec développement incorporé. » Pippin crée une chambre noire en bloquant l’ouverture de la cabine avec un panneau en bois percé en son centre, et comportant un système de chatière. Il tapisse l’intérieur de la cabine avec du papier photosensible et sort en rampant par la trappe. Après avoir découvert l’objectif, il se place en face de la machine, à une distance d’environ trois mètres. Le procédé exige un long temps de pose, et Pippin reste figé au milieu du va-et-vient des passants pendant 20 minutes. Les distorsions et les imperfections de l’image finale font partie intégrante de l’œuvre, reflétant le caractère expérimental de sa pratique.
La révolution numérique est en marche, lorsqu’au milieu des années 1980, l’artiste britannique, Steven Pippin, se fait connaître par ses « proto-photographies » prises à l’aide d’objets courants transformés en chambres noires. De l’armoire au réfrigérateur, de la baignoire à la machine à laver, des toilettes publiques aux salles d’exposition, tout y passera, y compris le Photomaton, qui, tout-en-un, représente pour Steven Pippin un modèle parfait de « machine célibataire » : appareil photo, appareil à développer et à tirer des images prêtes à consommer. L'idée du précipité, hein …
L’exposition, conçue pour la Galerie de photographies du Centre Pompidou, fait suite à l’acquisition récente de trois œuvres de Steven Pippin par le Musée national d’art moderne. Elle se veut une revue expresse de l’artiste depuis 1984, ainsi qu’un précipité d’histoire de la photographie. Elle rassemble des œuvres photographiques, mais aussi des appareils conçus ou trafiqués par Pippin, ainsi que du matériel engagé dans la réalisation de ses différents travaux.
En 1993, dans des conditions acrobatiques, Steven Pippin convertit les sanitaires du train Londres-Brighton en studio et laboratoire pour la durée du voyage : The Continued Saga of an Amateur Photographer. En 1998, l’artiste pousse l’expérience dans une laverie automatique où lui vient l’idée d’enregistrer en plusieurs images un personnage se déplaçant devant la ligne des machines à laver. Hommage à Muybridge, Anglais émigré à San Francisco où, en 1878, il disposa en ligne douze chambres photographiques pour décomposer les mouvements d’un cheval au galop.
Pippin rejoue Muybridge en lançant un cheval dans la laverie pour en saisir le mouvement, les machines à laver servant aussi au développement des images : Laudromat Locomotion. Après cet exploit exposé pour la première fois au SF MOMA de San Francisco, Pippin se détourne de la photographie pendant dix ans. Puis sa course effrénée vers l’image instantanée reprend.
Steven Pippin est né en 1960, il vit à Greenwich (Royaume-Uni). Ses œuvres sont dans les collections du Centre Pompidou, du MOMA (New York), de la Tate Gallery (Londres), du Guggenheim Museum (NY), du SF MOMA (San Francisco) , dans la Collection Lafayette Anticipation — Fonds de dotation Famille Moulin, Paris, au FNAC, Puteaux, et dans les Frac Limousin et Bretagne.
Jean-Pierre Simard, le 22 juin 2017
Steven Pippin - AberrationsOptiques -> 11 septembre 2017
Centre Pompidou - Galerie des photographies, niveau -1
Place Georges Pompidou 75004 Paris