Ukraine sans retour avec Viktoria Sorochinski
Viktoria Sorochinski a construit son projet Lands of No Return sur dix ans pour photographier les derniers survivants d'un art de vivre ukrainien, en cours de disparition au XXIe siècle. Des gens, de l'espace, et le temps qui file vers l'entropie. Magnifique !
Je suis née en Ukraine et mes grands-parents vivaient dans un petit village près de Kiev. Je me souviens de visites chez eux dans mon enfance qui m'apportaient des lumière et de joie. Quand j'y suis retourné pour la première fois, des années après avoir émigré, j'ai découvert combien ces lieux étaient devenus sans vie et misérables, quasiment uniquement habités par des vieillards. Ils y passent leurs derniers jours autant négligés par leur familles qu'abandonnés par le gouvernement. Avec eux s'éteindront à jamais ces maisons et traditions…
Au fil des dix dernières années, j'ai voyagé et beaucoup photographié les villages entourant Kiev. Pour moi, cette série est un hommage au passé, le plus personnel jamais réalisé, car il est directement relié à mes grands-parents qui sont nés et sont enterrés dans l'un d'eux.
Même si le projet est parti d'un voyage personnel, il s'est vite transformé en autre chose avec mes découvertes de l'intérêt à porter historiquement à mon sujet, car ces gens et ces lieux sont les derniers témoins d'une culture autrefois vibrante et magique qu'on ne trouvera bientôt plus que dans les livres d'histoire.
Viktoria Sorochinski
Viktoria Sorochinski a quitté l'URSS à 11 ans, avec ses parents en 1990. Après avoir vécu en Israël, puis à New York où elle obtenu un master en Beaux Arts en 2008, elle vit et travaille dorénavant à Berlin.
Viktoria a réussi à choper la magie des derniers instants, avec couleurs et un regard décillé. Mais ce qu'on y voit, en dehors du kitsch soviétique, c'est un monde qui a déjà implosé avec la destruction des soviets et qui se sait condamné. Mais là où le regard saisit l'Histoire en train de passer, elle n'est pas tout à fait morte. Comme d'un au-delà, un regard se maintient et l'échange a bien lieu.
Jean-Pierre Simard ( avec Lens Culture)
Plus sur le travail de Viktoria Sorochinski, ici