En cherchant des infos sur Balmorhea, on en trouve de deux sortes : la voie post-rock affiliée Tortoise, pour l’implication de Rob Lowe, et la piste musique classique, parce que, depuis deux albums, le groupe a signé chez Deutsche Gramophon, parangon du genre. Ce nouveau Monde Suspendu ( Pendant World) puise autant chez Metheny que chez Debussy ou Ravel. Revue de détails d’une œuvre toujours en chantier. 

Dans l'ensemble, Pendant World a un sens de la sophistication, jouant avec le son et le silence. "Held" est une composition plus minimaliste. Sa qualité méditative témoigne de la confiance des musiciens, de leur retenue et de leur capacité à respirer. Tout n'est pas forcément à jeter, à jeter, à jeter. Et cela montre qu'ils sont prêts - heureux même - à prendre du recul et à offrir quelque chose de différent, sans pour autant compromettre leur capacité à émouvoir leur public.

"New Conditions" est certainement l'un des titres les plus marquants. Avec un piano vif au début, le morceau brille d'une manière étrange qui n'est pas rebutante. Avec une ambiance à la Pat Metheny, il y a des grincements instrumentaux qui lui donnent un style vaguement avant-gardiste. Mais cela n'aliène pas les auditeurs. Non. Le morceau garde la mélodie avant tout, et avance bien. C'est une chanson amusante et joyeuse qui ne s'embourbe pas en essayant d'être quelque chose de "nouveau" ou d'"intéressant". C'est tout simplement ça, et ce type de composition assurée témoigne de la maturité de ce groupe.

On pourrait penser qu'étant donné que Balmorhea semble s'inspirer de tant d'influences, il serait difficile de les rassembler en un seul album cohérent. Mais c'est cet ensemble de sons très expansifs et variés qui leur donne leur mordant et leur beauté. D'autres groupes pourraient aller trop loin, vouloir tout faire ressortir. Mais Balmorhea est beaucoup plus subtil. Ils ajoutent un peu de ceci dans une chanson et un peu de cela dans une autre.

"Fire Song" attire également l'attention. Il y a presque une douce tonalité Renaissance/médiévale (probablement un résultat inconscient des guitares utilisées), mélangée avec de la réverbération et un jeu acoustique moderne. Là encore, le minimalisme fait merveille. Les cordes de la guitare sont douces, douloureuses devant un paysage sonore synthétisé qui scintille en arrière-plan. Bien que court, le morceau est très travaillé, et les auditeurs n'hésiteront pas à le répéter pour essayer de comprendre pourquoi il est si beau.

Sur leur précédent album, The Wind (2021), on retrouve un style et un ton similaires. L'aspect silencieux joue à nouveau un rôle qui permet à l'album de chanter. C'est le contraste, ce qui est retenu, qui donne la profondeur qui est si satisfaisante. Les deux albums fonctionnent très bien ensemble. Ils ne dialoguent pas exactement ensemble, mais le groupe semble être au même endroit, musicalement. Pendant World est cependant différent. La dynamique et la sensation semblent plus fluides et diversifiées que dans l'album 2021. Les deux albums plairont aux amateurs de musique classique et aux fans de folk, d'ambient ou de jazz.

Même la pandémie n'a pas entamé le talent artistique de Balmorhea. L'album brille et resplendit de vie. L'attrait de cet album réside dans la manière dont 13 morceaux différents peuvent conserver une douceur et un son cohérent, entrecoupés de coups de pinceau d'expérimentation - des touches humoristiques qui donnent du souffle et de l'espace aux compositions. Pendant World est certainement un accomplissement. Chaque morceau ne restera pas gravé dans votre mémoire, mais l'atmosphère générale qu'il crée demeurera. Un tendre romantisme en décomposition est exposé ici, comme dans une peinture de Thomas Cole. Il y a un désir, une nostalgie pour d'autres époques musicales, mais elle est ancrée dans un style de jeu moderne et un travail d'équipe minutieux. Le résultat final séduira les auditeurs et leur offrira un voyage à la fois doux et palpitant.

Jean-Pierre Simard le 26/06/2023
Balmorhea - Pendant world - Deutsche Gramophon