Une Chaussée des géants pour Park Dong-Soo
Pour sa dix-septième « Carte blanche » à un artiste contemporain, le musée Guimet invite Park Dong-Soo à s’approprier la rotonde du quatrième étage. Après Lee Bae, Kim Chong-Hak et Min Jung-Yeon, il est le quatrième plasticien coréen à faire geste et à convier le visiteur à entrer dans son univers empreint du dansaekhwa, la peinture monochrome coréenne. Et avec quel éclat !
Intitulée Cette place-là, son installation est une ode à la tradition coréenne de l’usage de l’encre noire et du papier hanji. Ces deux matériaux sont utilisés comme vecteur d’une proposition qui a pour thème autant la naissance de l’univers que sa disparition, avec pour point commun l’explosion, aussi bien primitive que destructrice. L’ajout de matière sous le papier mûrier permet à Park Dong-Soo de créer la profondeur dans son monochrome noir, d’inventer l’espace qui nous absorbe, à la découverte d’un espace-temps dérangeant et poétique tout différent du nôtre, dans un travail résolument coréen intégrant la voie méditative à sa peinture. L’artiste joue de la désorientation procurée par la fragmentation de ses œuvres et il fait de la rotonde la matrice originelle de sa création, une forme de cocon salvateur. Park Dong-Soo sort de sa retraite, qui aura duré quinze années, et pose à nouveau ses valises en France avec la complicité et le soutien précieux d’Henri-François Debailleux, de la galerie Backslash à Paris, de la galerie Jojoonbong et de Claire Bettinelli. Qu’ils en soient tous profondément remerciés.
À travers sa spectaculaire installation dans la rotonde du 4e étage du musée, l’artiste coréen Park Dong-Soo marque son retour sur la scène artistique internationale, après quinze années passées dans un ermitage de la région d’Haemi (Corée du Sud). À l’instar de ses aînés Park Seo-Bo ou Chung Chang-Sup, son œuvre s’inscrit dans la continuité du célèbre mouvement monochrome coréen, le dansaekwa. Sa peinture énergétique puise également ses sources dans l’abstraction américaine de l’après-guerre et l’École de Paris. Pour cette 17e carte blanche au musée Guimet, l’artiste livre une véritable cartographie du cosmos, une expérience commune, sensible et spirituelle, qui propose au visiteur de se poser des questions sur le temps, l’espace, l’énergie et sur les forces immuables qui régissent notre monde.
Park Dong-Soo crée depuis le début des années 1990 des environnements lunaires, inspirés par la cosmogonie et l’étude des origines de l’univers – notamment la collision des planètes et les éruptions volcaniques. Né à Seosan en Corée du Sud en 1964, il s’installe à Paris en 1990 pour étudier les arts plastiques à l’École des Beaux- Arts de Versailles puis à l’Université Paris 8. Il quitte la France en 2008, rattrapé par la nostalgie de son pays, où il vit aujourd’hui près de la nature.
Tout l’intérêt de son travail réside en ce que Cette place-là se compose de deux ensembles qui ne forment qu’un tout: de grandes toiles noires et blanches déploient leurs univers microscopiques sur les cimaises tandis que des sculptures cubiques de mêmes couleurs sont installées au centre, disposées en cercle comme un Big Bang et réparties selon un ordre de taille croissant vers le centre, dans une structure pyramidale, tel un volcan dont l’irruption disperserait sur le sol une multitude de petits morceaux de lave. L’artiste nous donne à voir tout autant la coulée de magma figée du volcan effusif que la projection de roches et de cendres d’un cratère explosif. Les cubes s’apparentent alors à des fossiles. Toutes les formes géométriques rectilignes – toile, faces des cubes – sont le réceptacle de mondes circulaires non figuratifs où grouillent en relief à leur surface, comme dans une vue au microscope, des cellules, du plancton ou des spermatozoïdes. Se déroule alors sous nos yeux l’évolution d’une forme de vie, le développement d’un métabolisme, quelque chose de l’ordre d’une mitose ou d’une cytolyse.
Cela exposé, il faut un certain temps (d’adaptation) pour entrer dans ces univers, en découvrir l’ordonnancement et enfin sentir la profondeur du propos. Surmontée par la coupole, entourés de toiles, l’installation propose au spectateur de se poser pour entrer cube par cube au sein d’une galaxie manifeste. Une fois ceci fait, une fois la prolifération des cubes entendue/ressentie, on change vraiment de lieu, on change d’échelle, on change de continent pour arriver dans cet espace-là/Cette place-là, dans ce lieu qui invite à la conscience de soi, comme avec un kaon zen ( L'homme regarde la fleur, la fleur sourit.) On entre alors en vibration avec l’œuvre, la salle et tout lelieu de se mettre à scintiller d’une façon inconnue avec les cubes qui chacun également différent et apparemment semblable envoie un message pour en dire la forme et les formes. C’en est troublant et c’est une sensation qui dure. A tel point que Guimet pense installer des cousins de méditation dans la salle pour en apprécier la puissance. Grosse claque !
Jean-Pierre Simard le 26/06/2023
Park Dong-Soo - Cette place-là -) 18/09/2023
Musée national des arts asiatiques – Guimet 6, place d’Iéna 75116 Paris