Mimosa Echard, lacrymal c'est pas mal…
Lauréate 2022 du Prix Marcel Duchamp avec Escape More, Mimosa Echard définit cette œuvre victorieuse comme suit : "C'est un tableau liquide, mais aussi une image cryptée, un espace inaccessible ou une chambre (...) C'est une sorte de machine lacrymale, de fontaine d'urine en boucle", explique l'artiste dans une vidéo qui dit représenter "une circulation de fluides corporels à l'infini". Le flux, pas la grippe !
L’œuvre de Mimosa Échard propose des alliances singulières, où l’organique côtoie le technologique et le synthétique. Cette pharmacopée ambivalente infuse un travail protéiforme – vidéo, peinture, sculpture, installation – qui puise dans la culture pop ou la contre-culture psychédélique. Souvent issu de collaborations avec différents créateurs et créatrices, au nombre duquel on trouve écrivain(e)s et musicien(ne)s, son travail trace une histoire matérielle de la tactilité qui en dessine une autre, subrepticement mais aussi profondément politique. Pour le prix Marcel Duchamp, elle conçoit un « objet architectural ambigu ». Oscillant entre le sublime et l’abject, cette machine « lacrymale » de perception, ou écran désirant, produit des flux ininterrompus, à l’image de ceux de notre société liquide.
Née en 1986 à Alès, dans le sud de la France, Mimosa Echard a été formée à l’École nationale des arts décoratifs à Paris. Son travail très particulier avait déjà trouvé un écho positif lors d’expositions individuelles en France et à l’étranger. Après une résidence en 2019 à la Villa Kujoyama à Kyoto, elle avait présenté cette année à Paris Sporal au Palais de Tokyo. Une installation fascinante et parfois psychédélique basée sur l’idée de mémoire chez les myxomycètes, organismes unicellulaires en perpétuelle transformation, à mi-chemin entre le règne animal, végétal et celui des champignons. C’est l’installation hypnotique et paradoxale Escape More, « objet architectural ambigu » conçu par Mimosa Echard pour cette 22e édition, qui les a conquis. Selon Xavier Rey : « En prise avec les défis de notre temps et sans manichéisme, elle repousse les limites expressives des différents médiums pour offrir une puissante expérience esthétique intégrant nombre des préoccupations du public, comme le pouvoir de l’image, du visible et du caché, le contrôle des corps, l’égalité ou les rapports entre l’espace et la société. »
Son installation hybride présentée au Centre Pompidou puise dans la culture pop et la contre-culture psychédélique présentée. Dans une interview avec RFI, elle s’exprime sur cette « architecture un peu “corporate” » : « C’est une installation à laquelle j’ai pensé depuis longtemps. Elle a trouvé sa place à Beaubourg. J’ai eu cette idée avec les murs d’eau, il y a dix ans ». Elle considère « qu’il y a plein d’interprétations possibles. Est-ce un tableau liquide ? Une image cryptée ? Un urinoir en boucle ? Cette pièce est pour moi liée à la perception, c’est comme un peu comme plonger à l’intérieur de l’œil, à l’intérieur de l’écran » ajoute-t-elle. Ses inspirations relèvent « de certaines architectures qu’on voit dans la rue, de lobby, de banque, mais cela pourrait être aussi un écran de cinéma. C’est vraiment un peu entre les limites de l’espace et l’objet 2D.» C’est aussi le concept de féminité qu’interroge la « machine lacrymale » de l’artiste éminemment politique.
Et, pour tous les gros cons qui vagissent leure purée neuronale sur la page Youtube de Beaubourg, en disant que l’art n’a rien à dire, on leur répondra deux choses : ce sont sûrement les enfants des décérébrés qui clamaient autrefois que leurs enfants pouvaient faire aussi bien que Picasso, haut la main et que le principe de l’installation remet en route, en lui faisant un clin d’œil, à la dernière œuvre de Marcel Etant Donnés, en lui offrant un versant liquide et visible au féminin actuel. tout ce qu’ils ne peuvent supporter en bons disciple de Praud, Hanouna et Bol à raie. Sur ceux-ci, tirons la chasse…
Jean-Pierre Simard le 31/10/2022
Mimosa Echard, Prix Marcel Duchamp 2022