Katherine Rey, une visite d’atelier par Pascal Therme
C’est toujours un moment particulier que celui de se rendre à l’atelier du peintre, ici celui de Katherine Rey et une sorte de privilège de pouvoir le regarder travailler, de pouvoir le voir et le photographier au travail, en travail. Il faut déjà être reçu et sans doute en être digne, car au fond, symboliquement cet atelier relève de l’Athanor de l’Alchimiste.
C’est là que se fondent les couleurs selon le cœur, que le geste atteint sa concentration et que les forces psychologiques qui entrent en jeu sont à la fois celles de la matière et celles du sang, dans une involonté disciplinée, afin que la main délivre ce qui vient de la source secrète du cœur et que, selon les techniques choisies, ce jour là, s’expriment avec force, toute l’intensité du rêve qui porte ses formes, jouit de son labeur, se réjouit de ses naissances, s’éprouve au fur et à mesure qu’il s’exprime, s’affermit en se délivrant sur la toile des rêves incandescents et flottants, comme une matière qui cherche à s’émouvoir.
La création est toujours concentration puis accouchements, décisions, chemins qui se creusent en soi, perles obscures et lumineuses, appels de la nuit, descente en soi dans le puits sans âge à la recherche du secret de la vie, du temps, de la création, genèse d’un monde qui incarne, qui implique, exigeant et nécessaire, imprudent et osé, un puits d’où s’écoute le chant limpide de cet obscur objet du désir, du sujet relevant de l’infini et du fini, de la perception et de l’essence, du chemin qui s’ouvre au devant de soi.
Le peintre en son atelier manipule des toiles, monte, descend, cherche, se concentre, part puis revient, toute une physique est ainsi co-présente au travail. Les forges du rêve sont aussi une épreuve, elles réclament du peintre cette constance du geste et sa liberté, en même temps.
Mon œil s’est attardé dans ce reportage sur ce qui pouvait faire photographie dans tous les espaces ouverts dans l’atelier de Catherine Rey, dans l’énonciation de ces matières, cadres, toiles, dessins, chevalets, couleurs, crayons, pinceaux, brosses, encres, il glisse sur certaines œuvres au sommet des tables, comme aurait pu dire Char, de la base au sommet, celles-ci habitent l’atelier, disposées en pile sur de grandes tables, ou rangées, encadrées. La lumière et l’espace de cet atelier sur deux niveaux se conjuguent pour inséminer la création qui pépie secrètement, déjà, dans toutes les œuvres qui s’éveillent à la nuit et se prolongent au jour, parlent en silence de ce secret central, tandis que le cœur du peintre est aussi cet athanor qui relève aussi de l’alchimie.
Reportage texte et photos, Pascal Therme le 16/11/2020
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