Barbara, roman, ou un chapitre inédit signé Julie Bonnie
Juste pour faire chier, on va dire que Julie Bonnie a écrit le livre le plus rock de la rentrée 2017 avec Barbara, roman. Un livre qui serpente du premier souffle de Monique Andrée Serf à l'accouchement du libérateur Nantes avec la reconnaissance de Barbara. Mais entre temps, on aura senti passer l'inceste, la guerre, Bruxelles de ses premiers chants, et une tragédie en continu qui fait la substance de la longue dame brune.
En 190 pages et presque deux heures de lecture, car ça file vite au long de la route mémorielle aménagée par Julie Bonnie, le road book des premières années de Barbara montre la dame en chantier, en devenir, en souffrance et en larmes souvent. Tout le monde a enfin compris que le grand drame de sa vie est d'avoir longtemps subi l'inceste de son père (ça offre une autre lecture de l'Aigle noir- n'est-il pas …). Ce, dévorée par une absolue envie de vivre, de chanter, de devenir quelqu'un pour échapper au mal-être fondateur de la guerre subie, comme juive fuyant sans cesse les "gentils français et voisins" assez prompts à dénoncer leur prochain…
Alors que Depardieu, dernier ami d'importance, refait un tour de chant en son honneur au Cirque d'Hiver en novembre, que la Philarmonie de Paris lui a consacré une impressionnante expo du 13 octobre au 18 janvier 2018 et qu'Amalric a donné sa version de l'idée qu'il avait de la dame avec sa muse Jeanne Balibar, cette autre approche, plus wild, plus stylée aussi donne les clés de l'avant succès.
Mais ça rigole pas non plus à tout propos ici … Claro, la semaine passée, citait un passage du livre comme seule chronique sur son blog qui disait ceci :
"Puis elle se laisse submerger par l'ampleur de l'onde rouge qui prend possession des organes internes. Sentir la chaleur. Les intestins, fragiles, qui se tordent avec la trouille. Se demander pourquoi on est là. Vouloir tout annuler, rentrer chez soi. Quelle idiotie, monter sur scène. Cela ne sert à rien. Puis, trouver la force, on ne sait où, peut-être vient-elle d'ailleurs, de plus mystérieux, de plus ancien. Poser un pied devant l'autre, apparaître dans la lumière, de l'autre côté, sous les applaudissements timides. Manquer s'effondrer puis recevoir la foudre, qui donne l'énergie de tenir debout, efface le passé et le futur, ancre la plante des pieds dans le ventre brûlant de la planète, étire le haut du crâne vers les astres. Devenir quelqu'un d'autre et pourtant l'essence de soi-même."
Et le projet de Julie Bonnie rejoint l'écriture de Barbara, tout aussi féminine, tout aussi assumée, tout aussi flamboyante. Mais on se doit d'ajouter, tripale, concernée, concentrée, et libératrice de tabous. Un roman de chanteuse à la mesure du modèle. Et un roman rock, car c'est justement de là qu'elle vient. Le modèle s'est retrouvé/ prolongé/ affirmé dans la carrière des Rita Mitsouko, puis de Catherine Ringer aujourd'hui. Mais c'est une autre histoire. Une histoire de femme à l'écriture en cours. Ne passez pas à côté, c'est formidable.
Jean-Pierre Simard le 18/09/17
Julie Bonnie, Barbara, roman, éditions Grasset