Histoire: mon objet en creux et ses résurgences
La notion de biographie des objets développée par les anthropologues Igor Kopytoff et Arjun Appadurai a permis de placer l’attention du côté des artefacts, de leurs trajectoires physiques et légales, ponctuées par des changements de propriétaires et de contextes ; chaque étape ajoutant une strate à l’histoire de l’objet et à sa valeur. L’immuabilité des objets se confronte à la mutation de leurs interprétations. Et c'est passionnant!
« (…) Le cadeau d’aujourd’hui est la marchandise de demain. La marchandise d’hier est l’objet d’art trouvé de demain. L’objet d’art d’aujourd’hui est la camelote de demain. Et la camelote d’hier deviendra l’héritage de demain. » L’exposition Recouvrir, ensabler, copier, traduire, restituer réunit des projets artistiques qui étudient des objets pris dans des situations de conflit, qui en sont véhicules ou témoins.
Ces œuvres sont présentées à différentes étapes de leur existence pour souligner la méthode de travail des artistes, articulant leurs références historiques et une réponse à l’actualité politique. Pio Abad inventorie la collection du couple dictatorial philippin Ferdinand et Imelda Marcos (1965-1986), et les œuvres de propagande qu’ils ont commanditées, tandis que le régime actuel semble raviver leur mémoire. Chrysanthi Koumianaki s’empare de slogans politiques prélevés récemment dans les rues d’Athènes pour les retranscrire dans un langage crypté atemporel.
Les œuvres de l’exposition participent à un débat plus large autour du devenir des artefacts, de leur conservation et de leur restitution, dans le cadre des processus et écrits décoloniaux des dernières décennies. En reproduisant des plats Amérindiens, Mariana Castillo Deball (image de tête du papier) recherche leur fonction et souligne les erreurs de restauration qui ont conduit à différentes interprétations. Les répétitions publiques d’*Alexandra Pirici* mettent en jeu la restitution par le British Museum des marbres du Parthénon au Musée de l’Acropole. La vidéo de Barış Doğrusöz propose une d’étude du site archéologique de la citadelle d’Europos Doura en Syrie et de son ensevelissement comme stratégie de résistance. Tandis que les crises internationales actuelles perpétuent des conflits d’intérêts et soulignent la relation entre art et pouvoir, les modèles de gouvernance se lisent à travers la question de l’héritage culturel.
On sait depuis 1965 et la parution de Les Choses de Georges Pérec, que celles-ci avaient une histoire - quand aujourd'hui, elles l'effacent pour mieux opacifier le monde et le vider de toute politique ( libérer nos brosses à dents?). Que l'art comme objet soit devenu un sujet historique et discursif a quelque chose de rassurant. Ce n'est plus une valeur sauf pour les hyper riches, et c'est loin d'être une valeur d'échange au vu des fréquentations des musées. Exposition en conférences à la fondation Kadist pour faire le point.
Maxime Duchamps (avec galerie)
Recouvrir, ensabler, copier, traduire, restituer -> 25/02 ->16/04/17
Fondation Kadist 19 bis, 21, rue des trois frères 75018 Paris
Plus d’infos : http://kadist.org/program/nora-sternfeld/