Cadré/troublant, le regard de Richard Sandler sur New York
Comme une épitaphe à toute une vie/vue à cadrer la ville qu'il habitait, Richard Sandler a publié “The Eyes of the City” pour y témoigner son attachement. Et en 24 ans de clichés, quelquefois subreptices, d'autres plein cadre, il a en rendu l'âme - à qui en voulait. Il n'habite plus à New York, ne la trouvant plus intéressante, trop grasse et riche pour son œil acclimaté aux contrastes qui en faisaient le sel.
Masterpiece !
Ce qui frappe d'abord avec Sandler, c'est son approche de la lumière et la manière dont il en parsème ses clichés pour construire la vision de l'image pour le spectateur. Plan par plan, on obtient toujours une lecture politique aussi poignante que féroce. Des fois, on rentre avec délicatesse dans le plan offert, d'autres on y arrive de plein fouet, pour marquer la dure réalité d'une vie de métropole.
Richard Sandler balance, avec quelques seuls moment d'épiphanie, toute la dureté, la brutalité, la peur d'être un citoyen de la Grosse Pomme. Les gens, dans la vision qu'il en a, doivent survivre dans des circonstances exceptionnelles. Et ce, quelle que soit leur position dans la société. Souvent construites sur la violence des contraste ses images dérangent par leur sens moral en action et leur vision politique d'une impitoyable justesse et profondeur.
Ici, des sentiments sont à l'œuvre, sous-jacents, mais bien là, qui disent comme ils voient ce qui se passe devant l'objectif; qu'il s'agisse d'une troupeau de Mamie devant une vitrine de jeunesse éperdue ou un sdf oublié de tous sur un trottoir à hurler sa folie. Et à l'inverse d'un Garry Winogrand qui se protège par la distance et l'humour Sandler ne donne pas de recul, sauf celui de la pensée - et la description vaut raison. Depuis quelques années, les tueries vidéotées de Daesh ont pris une autre tonalité d'hémoglobine snuff, mais là, on est juste avant, quand la ville vit encore sans la culture de cette peur. Déjà dans la peur de ce qu'elle va devenir, mais avant qu'elle n'efface tout le reste. En suspens. Et c'est magique.
Et à Serge J-F. Levy de Lens Culture qui lui demandait s'il vivait encore là-bas, Sandler répondait: "Non, j'habite dans les Catskills maintenant. La ville a beaucoup perdu de son attrait pour moi. Si vous avez les moyens, vous pouvez toujours aller dans tous les musées du monde, mais il n'y a plus besoin d'y habiter pour en profiter. La sortie du livre a coïncidé avec mon départ de New York. Ce que j'apprécie le plus à présent est de pouvoir me balader dans la nature et d'admirer les montagnes. "
Maxime Duchamps (avec Lens Culture)
The Eyes of the City de Richard Sandler
éditionspowerHouse Books
Préface de Dave Isay et postface de Jonathan Ames