Peindre est un geste
Envisager la peinture au fil conducteur du geste produit c'est ce qu'a réalisé la galerie La Forest Divonne pour son exposition Geste qui réunit Alexandre Hollan, Caribaï, Jeff Kowatch, Astrid de La Forest, Guy de Malherbe et Gilles Altieri. Sympathiquement tortueux… On vous livre le jus de crâne du commissaire d'expo - fort méritant.
Le geste chez Alexandre Hollan et Caribaï relève du signe. Leurs gestes incarnent un moment. Ils signifient une émotion. Chaque année, Alexandre Hollan part observer ses arbres et c’est dans le silence de cet acte qu’il traduit « les circulations d’énergies » des arbres en un tracé au fusain ou à l’acrylique qui tremble, cherche, et s’affirme dans un même mouvement. Chez Hollan, le geste est lent, il inscrit la décision de l’esprit, il existe malgré l’hésitation d’une recherche toujours recommencée et dont il rend visible le tâtonnement.
Les œuvres gestuelles de Caribaï sont empreintes du réel, non seulement elles se nourrissent de réminiscences de moments vécus mais aussi elles s’élaborent d’après des gestes préexistants qui, couchés sur des papiers froissés, envahissent l‘atelier. Ces papiers sont utilisés par l’artiste comme autant de signes archétypaux qui composeraient son langage.
Le geste chez Guy de Malherbe et Gilles Altieri se rapporte à la matière, qu’elle fasse référence à une réalité organique et tangible ou qu’elle se réfère à la surface de la toile, à la peinture elle-même. Le geste est ici le prolongement direct du corps.
Guy de Malherbe peint par touches généreuses et enlevées, c’est son corps tout entier qui se meut pour faire exister la toile. Il emploie la peinture comme un bâtisseur ; la matière n’est pas seulement présente pour dire la falaise, la plage tourmentée et ses rochers, mais devient elle même craie, sable et roche.
Gilles Altieri, pratique le « All over » en mettant en scène le geste et la peinture jusqu’à saturation, jusqu’au moment où la peinture devient geste et le geste peinture. Il dit lui-même : « Par les cheminements dont mon œuvre garde les traces visibles, elle s’offre au regardeur sans pouvoir apporter de solution ni de réponse. C’est une pensée opérative dont j’ai l’espoir qu’elle transparaisse à travers les traces visibles du pinceau et de la matière…. ».
La technique propre à Jeff Kowatch ou à Astrid de La Forest consiste à faire disparaître le geste au profit de l’image finale. Il est mis à distance par le procédé d’impression chez La Forest ou effacé chez Kowatch.
Pour Astrid de la Forest le geste qui découle de l’observation est primordial, si le procédé le met à distance, c’est pour mieux le voir, pour mieux ressentir l’émotion. Dans ses monotypes, le sujet est peint directement sur une plaque de verre, puis la peinture est passée sous presse. La peinture s’en retrouve ainsi inversée, le monotype est le miroir, l’image du geste originel.
Jeff Kowatch met en œuvre un processus technique élaboré et long qui a pour vocation de dissoudre le geste dans la matière même de la peinture. C’est en s’en rapprochant que l’on y voit la trace de l’outil, les tourbillons du ponçage, qui couche après couche permettent cette matière laquée. Les tableaux de Jeff Kowatch d’apparence floue et duveteuse jouent de l’ambiguïté de l’apparence photographique.
À regarder la peinture de ces 6 artistes par le prisme du geste, il devient évident que celui-ci est la forme d’incarnation de leur pensée. C’est par ce geste nécessaire que la pensée, le corps et l’œuvre sont réunis. CQFD !
Maxime Duchamps (avec galerie)
Geste / Exposition collective -> 11/03/17
Galerie la Forest Divonne 12, rue des Beaux Arts 75006 Paris