Le son du Miles Ahead de Don Cheadle
Dire qu’on ne soulignera jamais assez l’importance du passeur Miles dans l’histoire de la musique afro-américaine depuis Charlie Parker jusqu’au rap est un peu sommaire, mais c’est ainsi. Bop, hard bop, cool, modal, funk, psyché, jusqu’à ailleurs en suivant et précédant les contours de la pop des années 80.
Ce qui faisait dire à Herbie Hancock à propos de sa période électrique que Miles n’était nulle part, tout en étant partout, même s’il se contentait alors de canaliser les sonorités des son groupe et d’arranger , la période qui va de Silent Way à Pangaea. La BO du Miles Ahead de Cheadle - qui n’a toujours pas trouvé de distributeur en France ( allô Carlotta ou Wild Side, un effort les gars ! ) - s’occupe du résumé de parcours en 11 titres de Miles; en partant du titre éponyme gravé pour Prestige 1953 pour se terminer sur Back Seat Betty de 1981 tiré de We Want Miles album de retour, celui de la période considérée pour le film.
Tout cela copieusement édité pour la BO , en y ajoutant des inserts voix de Miles par Cheadle lui-même et des compléments de programme de Robert Glasper, Herbie Hancock ou Taylor Eigsti pour l’hommage à la première muse de Miles, Frances Taylor sur Taylor Made. Bienvenue donc aux edits de“Solea”, “Seven Steps to Heaven”, “Nefertiti”, “Duran (Take 6)” “Black Satin” et “Back Seat Betty”, comme à ceux joués en intégralité : “So What”, “Frelon Brun” et “Go Ahead John, Pt. 2”.
Quatre compositions originales s’y trouvent aussi, de la plume de Robert Glasper. Le funky “Junior’s Jam” avec Marcus Strickland au sax, Keyon Harrold à la trompette et la rythmique de Kendrick Scott, la batterie et la basse de Burniss Earl Travis. l’hommage à Frances “Francessence” avec batterie balais, basse uptempo et flûte ou encore“What’s Wrong with That?” joué en live dans le film avec le son du Rhodes de Glasper, la trompette bouchée de Harrold, Hancock, Wayne Shorter, Esperanza Spalding à la basse, Antonio Sanchez, et la guitare de Gary Clark, Jr - le titre psyché-funky qui fusionne bien la démarche du Miles de cette période. Le dernier titre est une apparition de Pharoahe Monch rappant sur une ligne de basse et des cymbales, à la manière de J-Dilla, sur Gone 2015.
Deux périodes bien séparées pour ne pas s’y perdre et restituer, par là-même, l’essence d’une période du passeur Miles, l’homme par lequel toute la musique des années 70 est arrivée en donnant des idées aussi bien à la scène électronique qu’au futur de la pop. Mais ça, c’est une autre histoire. Comme un espace de temps suspendu…
Jean-Pierre Simard
Miles Davis – Miles Ahead: Original Motion Picture Soundtrack (2016)