Sébastien Lapaque : Théorie de la carte postale
Célébrer un plaisir du monde d’avant, comme acte de résistance poétique : écrire des cartes postales.
«Il ne s’agissait pas de célébrer les lueurs d’un mourant paysage en rédigeant un livre plein d’images nocturnes, mais d’en proposer une théorie générale à l’usage de tous. Et non pas tant sous forme de spéculations abstraites que de consignes universelles. Il songeait aux anciennes instructions pour les prises d’armes, à ces vieux livres qui enseignaient les principes de la manœuvre dans le domaine militaire.»
Finalement loin du projet ambitieux visé initialement, écrire une théorie de la carte postale, le petit livre de Sébastien Lapaque prend l’allure d’une flânerie, d’un égarement poétique qui n’échappe pas à la nostalgie, d’un lâcher de mots aux éclats multicolores, d’un livre à la légèreté d’une bulle qui s’envole et qui bientôt éclate parce qu’«on n’est pas sérieux quand on écrit des cartes postales».
«Au recto d’une carte représentant l’église Sainte Gudule de Bruxelles affranchie le 14 août 1906, quelques mots, d’une écriture féminine : « Envoyez-moi des cartes postales. Vous me ferez toujours plaisir. » Et une simple date : « Aujourd’hui. »
La carte postale, c’étaient donc les mots alliés avec la vie. Dans l’empire de la marchandise, c’étaient l’amour et l’amitié tracés en belles lettres avec la main : le bonheur et la beauté racontés avec de l’encre et du papier.»
Sous cette apparence de fantaisie légère, c’est l’amour d’un langage si souvent foulé aux pieds aujourd’hui, que célèbre l’auteur, la saveur de l’écriture, la profondeur, l’émotion ou l’imperfection des mots tracés par des anonymes oubliés, au recto d’une carte postale de Quiberon, de Bruxelles ou des îles Kerguelen.
Pas de théorie, pas de documentation, mais des cartes postales chinées et les vers d’Aragon ou de Paul-Jean Toulet, pour avancer avec élégance dans une vie dont les cartes postales seraient les cailloux blancs.
«Il faisait ainsi des rêves pleins d’étranges pays et de grammaire légère. Ecartelé entre le sommeil et la veille, il ne savait plus s’il devait vivre pour continuer à songer ou songer pour continuer à vivre. Il écrivait sa « Théorie » en dormant ; et des cartes postales en rêve ; et des cartes postales avec ses rêves.»
Sébastien Lapaque était l’invité de la librairie Charybde en Juin 2014, pour fêter la parution de ce livre et de sa «Théorie de Rio de Janeiro», et pour évoquer le foisonnant «Convergence des alizés». On peut le réécouter ici.
Théorie de la carte postale de Sébastien Lapaque , éditions Actes Sud
Coup de cœur de Charybde7
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