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"Buongiorno, notte" et "Esterno notte" de Marco Bellocchio : Le sommeil, ses enfants et ses monstres

1978, l’Italie est sous haute tension. L’enlèvement d’Aldo Moro par les Bridages Rouges aurait pu mettre le feu à la plaine qui s’apprêtait à accueillir les mânes du « compromis historique » scellé entre la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste. Marco Bellocchio y est revenu par deux fois, avec un long-métrage en 2003 (Buongiorno, notte) et en 2022 avec une mini-série (Esterno notte). Le redoublement du retour mérite qu’on y revienne à notre tour tant il est le marqueur d’une époque dont on n’est toujours pas sorti.

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En même temps ? De deux choses, pas l’une ! (Godard versus Macron)

« En même temps » nous serine la rhétorique des temps consensuels ? On répond donc « De deux choses, pas l’une » parce que l’on sait devoir affronter la contradiction antagonique. On l’a dit, les mondes parallèles se touchent à l’horizon de la projection. À l’horizon du nôtre, critique, il y a la promesse qu’on n’en a pas fini avec Godard, qui nous donne des forces contre l’extrémisme de l’extrême-centre, et qui pourrait bien nous faire la surprise d’un prochain film posthume.

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“White Noise” de Noah Baumbach : le fascisme à bas-bruit

L'un des derniers films de l'année 2022, White Noise de Noah Baumbach, sorti le 30 décembre dernier sur Netflix, avait sans doute l'ambition de ramasser toute son époque : filmer la propagande médiatique, la crise sanitaire, la dépression généralisée d'un système capitaliste déliquescent et son porte-drapeau, les États-Unis, un contexte annonçant le fascisme qui gronde. Sauf qu'à le marteler, White Noise finit lui-même par (se) fasciser.

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Jean-Marie Straub ! Inévitablement

Vivre, c’est peut-être passer sa vie à répondre de son nom. Straub, sträuben : se dresser, résister. Se dresser contre tous les dressages sociaux, culturels et politiques qui vous abêtissent. S’élever contre les pouvoirs s’efforçant d’abrutir nos puissances. Se lever et résister, se relever et se soulever. Au cinéma, on oublie trop qu’être assis en levant la tête prépare à la fin à nous relever de nos sièges.

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Hicham Lasri : le cinéma marocain n'est pas pour les chiens

Starve Your Dog" (affame ton chien) de Hicham Lasri raconte l'histoire de Driss Basri, l'ancien ministre de l'intérieur de Hassan II tombé en disgrâce. L'homme fort devenu faible. Le chien. Coup sur coup, ses films controversés et d'une esthétique ultra-moderne (“C'est eux les chiens”, sur le printemps arabe, ou "The Sea is Behind", sur l'homosexualité) ont réveillé l'envie de cinéma et de liberté au Maroc. Très fort.

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Hicham Lasri : "The Sea is Behind"

Tarik se maquille et s’habille en femme. Il danse sur une carriole tractée par un cheval mourant et un père qui ne le regarde plus. Il suit le rythme effréné d’une fanfare composée de pauvres hères, des parias, des punks à chiens sans chiens, et des désaxés qui se laissent traverser par l’inertie. Suivi, par la foule, Tarik vibre de sensualité féminine en s’abandonnant à cette passion, son visage barré par une moustache qui revendique sa virilité tronquée.

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Quand le Feu follet met le puritanisme actuel en folie

Sur son lit de mort, Alfredo, roi portugais sans couronne, est ramené à ses souvenirs de jeunesse, quand il rêvait de devenir pompier. La rencontre avec l’instructeur Afonso, du corps des pompiers, ouvre un nouveau chapitre dans la vie des deux jeunes hommes plongés dans l’amour et le désir. Nouvelle et brillante réussite de João Pedro Rodrigues.

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Jean Eustache, l'ami qui crie au secours et que l'on n'entend pas

La Maman et la Putain est le film de l'ami qui crie au secours et que l'on n'entend pas, qui crie que l'amour est mort et que l'on n'entend pas, qui crie que Paris est mort et que l'on n'entend pas, qui crie que la Nouvelle Vague est morte et que l'on n'entend pas, qui crie qu'il est déjà mort et que l'on n'entend pas, qui crie que l'on est tous déjà mort et que l'on n'entend pas.

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Jean-Louis Comolli : Cinéma documentaire, cinéma minoritaire, cinéma contraire

Jean-Louis Comolli : revenir à nous en revenant à lui. Son œuvre est immense, on a de quoi travailler en continuant à dialoguer. Six décennies de cinéma, plus d’une cinquantaine de films tournés, une quinzaine de livres publiés, plus d’un millier d’articles à lire et relire. Si l’avenir est aux fantômes, le cinéma en a aussi – dans l’amitié des revenants sans compter.

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“Frère et Sœur” d'Arnaud Desplechin : Malin génie

Il y a des rancœurs qui ont le génie pour enjeu et sa reconnaissance disputée fait le sel des existences jetées dans la bataille érigeant l’hystérie familiale en l’épopée chérie des rivalités artistiques. Énième chapitre offert à la réécriture de son roman familial en cinéma, Frère et sœur d’Arnaud Desplechin sale outrageusement son goût du romanesque parce qu’il n’en ignore pas l’affadissement suite aux remâchements du style. L’auteur fait le tour du propriétaire de son royaume et si le génie y est roi, il s’agit d’un malin génie.

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"Nous" est le titre d'un film d'Alice Diop, son plus rassembleur, son plus divisé aussi

Nous dit aussi l'implicite d'un antagonisme entre nous et d'autres nous. Nous-mêmes, c’est nous autres, ce peut être nous et eux, eux si loin et nous si proches, ce peut être aussi nous contre eux, parfois tout contre. Nous est un mot formellement rassembleur et réellement diviseur. Nous rassure en majeur, inquiète en mineur. Nous est le titre du film d'Alice Diop, qui est son plus rassembleur, qui est son plus divisé aussi.

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