Frédéric Malette et le changement climatique : brûler les fleurs
Les dessins puissants de Frédéric Malette : images recomposées par la pratique du collage, et visages hybridés, questionnent à la fois l’humain et l’Histoire. Son travail se nourrit d’archives familiales, de lectures et de recherches iconographiques, associées à une observation sensible du monde contemporain.
Les œuvres exposées ont été réalisées cette année à Paris, durant sa résidence de l’Académie des beaux-arts, en collaboration avec la Cité internationale des arts. Les recherches de Frédéric Malette se sont tournées vers l’histoire des plantes, notamment « exotiques », leur exploitation et la fabrique du paysage. Il nous livre un corpus d’œuvres, faites aussi bien d’hybridations que de contrastes, où la figure humaine — visage paysage, portrait fleur à la main ou cerné par des plantes — revient toujours au centre.
« Le dessin tel que je le pratique — par la superposition, l’effacement, le collage, la réappropriation des rebus — me permet d’interroger le paysage comme « fabrique culturelle », non plus considéré comme un
« espace naturel », mais un « espace produit ». Actuellement, je m’intéresse à la domination des savoirs et des espaces naturels au début du XXe siècle, et notamment à la dimension spatiale des relations de production et comment cela influe sur les mentalités d’aujourd’hui. Dans cette recherche, j’excentre le dessin afin de saisir la transformation des paysages à l’échelle des corps, des sensibilités et des mondes. Le processus de création, basé sur l’analogie, redimensionne le sujet à travers des aberrations plastiques. »
Frédéric Malette 2023
Des œuvres de grands formats, collages de papiers déchirés, traduisent les correspondances que l’artiste observe entre les époques et la lecture que l’on peut en faire aujourd’hui. Dans ces images tourmentées, le tracé du dessin crée le lien par la confrontation de différentes techniques : graphite, gomme, peinture aérosol, colle, pastel gras etc.
La couleur s’est introduite dans ses œuvres sur papier calque — son support de prédilection depuis des années. L’usage de la peinture prend, pour la première fois, une place importante dans son travail. Durant ces dernières années, il avait commencé à teinter certains dessins par des aplats à la bombe, comme des voiles, souvent monochromes. Cette fois, la matérialité de la peinture est assumée, elle n’est plus au service du dessin, venant pour coloriser le travail au graphite.
La confrontation entre la peinture acrylique, texturée, colorée, et le noir et blanc souvent mat du graphite est-elle une traduction plastique de la mise en relation du passé et du présent, avec ses contradictions, ses violences et ses mythes ?
“Brûler les fleurs”, “Semblables et si différentes”, “Esthétique et politique” ou “Parade sexuelle”, ces formules inscrites sur une série d’œuvres de petit format sont tirées de l’ouvrage de Frédéric Cousinié, “Paysage du paysage”. À travers l’étude de grandes œuvres du XVIIe siècle, l’historien de l’art mène une réflexion sur le paysage mental, culturel et idéologique. Se mêle-t-il au paysage réel ou représenté ? Le supplante-t-il, allant même jusqu’à imaginer que c’est finalement le spectateur qui devient paysage ? Réalisés au graphite et au pastel vernis sur calque, ces visages-paysages sont des métaphores des paysages pensés par et pour l’homme.
L’exposition présente également quelques portraits comme “L’homme à l’œillet” dans lesquels Frédéric Malette joue avec les codes picturaux de la peinture classique en faisant poser des modèles contemporains une fleur à la main, remettant ainsi - et parfois avec une certaine ironie - la symbolique des fleurs au centre de la représentation humaine.
Les œuvres réalisées ces derniers mois s’inscrivent dans la continuité et le développement de son travail, résolument tourné vers la figure et la question de notre humanité. Elles témoignent aussi d’une évolution plastique, Frédéric s’autorise désormais à faire dialoguer le dessin au graphite avec de la peinture ou du pastel, mais garde une certaine distance, en qualifiant ses bouquets de « croûtes ». Pas dupe des pièges de la belle image.
Jean-Pierre “dossier de presse” Simard le 12/06/2023
Frédéric Malette - Brûler les fleurs - ) 13/07/2023
Galerie Catherine Putman 40, rue Quincampoix 75004 Paris