Les racines céramiques de Claire Lindner
Ni carrées ni rhizomatiques, les céramiques de Claire Lindner ont un petit quelque chose d’impertinent. Quand même ! Avec une structure évoluant en permanence, dans toutes les directions horizontales, et dénuée de niveaux. On dit merci qui ? Deleuze et Guattari. Mais alors…
Approche 1 - Bien que fixées en céramique émaillée et cuite, les voluptueuses sculptures de Claire Lindner sont prêtes à bouger, car elles semblent ramper le long des murs ou pousser vers le haut comme les feuilles d'une plante. Imitant la texture spongieuse de spécimens vivants tels que les champignons, la mousse de mer et les racines, les œuvres incarnent plusieurs dualités, du dur et du mou à la stase et à la croissance. Ces œuvres vivantes font également référence à la relation entre les processus biologiques et l'intervention humaine, puisque l'artiste a (précédemment) sculpté des formes organiques et les a recouvertes de dégradés anormalement audacieux.
Approche 2 - Pour l’Air est une racine ( expo à Toucy en 2018) L’air est une racine dénote de l’absurdité qu’elle peut retrouver et conférer dans ce matériau jusque-là inédit pour elle : le colombin, le boudin dont la dénomination-même porte à sourire. Mais ce poème est aussi un oxymore empli d’allégresse, tout en mariant plusieurs éléments. Jean Arp y rédige ainsi que « les pierres sont remplies d’air »… Associer le poids à ce qui n’en a pas rappelle les contradictions que Claire Lindner aime employer pour construire son œuvre. Une texture qui paraît souple et duveteuse, quand la réalité est un matériau dur et rugueux. Des couleurs qui s’épousent, semblant déposées en dégradé, alors qu’elle emploie des colorants vifs, presque surnaturels. […] Les pièces jouent moins sur une notion d’équilibre qu’auparavant, pour développer celle d’enchevêtrement. De ces anciennes images de feuilles touffues, se donnent à voir de petits membres ou de grands doigts, entre le vivant et l’éteint, ou dans la mouvance de certaines algues du fond des mers. D’autres semblent fermées et recluses, remettant au goût du jour la question du vide et du plein, car on ne sait ce qui s’y cache à l’intérieur.
Lindner, qui vit dans la campagne montpelliéraine, présente une œuvre dans Within + Without jusqu'au 6 avril à Unit London et fera partie de l'exposition collective de la Fondation LOEWE prévue en mai au Musée Noguchi de New York. Elle est également en résidence à l'Institut européen d'art céramique, ce qui donnera lieu à une exposition prévue en juin au musée Théodore Deck.
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L’art doit bien encore pouvoir décrire le présent, le moduler pour lui dire son fait, lui présenter des formes jusque là inconnues dans ce qui se dévoile de suite comme apparemment déjà vu. Nous surprendre et nous montrer l’infime décalage entre la représentation et ce qui est vraiment montré. Ce qui témoigne encore d’un paysage à voir dans les décombres, encore un peu de dyonisiaque avant l’appolonien ? et c’est ainsi que l’éléphant est effervescent - et Claire Lidner, de son temps.
Jean-Pierre Simard le 13/03/2023
Les racines céramiques de Claire Lindner