Les aquarelles mathématiques (mais pas que…) de Charles Gaines

Avec ses aquarelles et encres sur papier de Gridwork: Palm Canyon Watercolors composées selon un système arithmétique rationnel, Charles Gaines questionne l’idée, dominante dans l’art du XXe siècle, selon laquelle la subjectivité, l’imagination et l’expression individuelle sont à l’origine du processus créatif. Et il en ressort d’étranges œuvres.

Charles Gaines, Numbers and Trees: Palm Canyon Series 6, Set 7 (quartet), 2022 © Charles Gaines / Galerie Max Hetzler Berlin — Paris — London. Photo: Charles Gaines studio

Gaines est l’un des représentants majeurs de l’art conceptuel américain qui travaille depuis les années 1970 sur les modes alternatifs de création d’images, alliant diagrammes mathématiques, suites numériques, principes de cognition et opérations aléatoires. Figure pédagogique influente, il forge un lien essentiel entre les artistes conceptuels américains de la première période comme Sol LeWitt, et les générations suivantes.

Prenant la forme de dessins, séries photographiques, œuvres sur papier et installations vidéos, le travail de Gaines navigue entre compositions linguistiques et structures nominales initiées avec la série Gridwork dans les années 1970. Des grilles de calculs arithmétiques simples y produisent des formes paraboliques représentant in fine des organismes naturels ajoutés les uns aux autres en couches successives. Avec cette méthode, Charles Gaines élabore donc des motifs à partir d’un système, et non pas de son imagination.

Ne cherchant pas initialement à inscrire son approche artistique dans une forme de représentativité afro-américaine, Gaines a fait figure à ce propos d’exception dans les années 1970, à une époque où l’expressionnisme politique était une préoccupation dominante. Toutefois, sa pratique a bouleversé l’Establishment, ayant été alors une des seules figures afro-américaines de l’art conceptuel. L’artiste a plus récemment concentré son propos sur la lutte contre le racisme et la défense des droits humains notamment avec la série Manifesto.

La galerie Max Hetzler présente ici un ensemble d’aquarelles et d’encres représentant une séquence de palmiers. Gaines a en effet développé tout un travail autour des arbres, notamment dans le cadre de sa série Numbers and Trees, elle-même partie de Gridwork.

L’artiste souhaite, à travers ces structures intemporelles et conçues suivant les lois de la nature, aborder la question de la création par un système de règles universelles et prédéfinies. La série sur les Palmiers a été initiée en 1980 puis à nouveau dès 2015. Les diverses espèces d’arbres sur lesquelles Gaines a travaillé se prêtent à une méditation sur des questions plus larges de différence et d’identité.

Par le subtil équilibre entre l’élégance de la touche et des coloris, et le processus créatif intellectuel, Gaines révèle ainsi que l’art existe per se, indépendamment de toute expression personnelle et met en lumière l’interaction complexe qu’il existe entre objectivité et interprétation.

Pour son apport exceptionnel à la culture américaine, Gaines a, en 2019, été récipiendaire de la médaille Edward MacDowell, décernée auparavant à Louise Bourgeois, Willem de Kooning et Georgia O’Keeffe. Excusez du peu … 

Elmore John le 24/06/02022
Charles Gaines - Gridwork : Palm Canyon Watercolors → 30 juillet 2022

Galerie Max Hetzler 57, rue du Temple 75004 Paris