Santa Barbara en Russie en 1989, le choc culturel décisif de Diana Markosian
Après l’effondrement de l’Union soviétique, l’un des premiers programmes de télévision américains diffusés en Russie a été Santa Barbara (1984-93). Regardant ce feuilleton depuis la maison de son enfance à Moscou avec sa famille, Diana Markosian l’a vu comme une fenêtre sur un monde de fantaisie, d’évasion et de rêve américain.
Santa Barbara, en Californie, est devenu un lieu mythique qui a occupé une place importante dans l’imagination de la famille, et finalement, grâce aux sacrifices de sa mère, il est devenu leur maison.
Dans sa version de Santa Barbara, Markosian reconstruit et réexamine à la fois la Russie et les États-Unis de son enfance, en retraçant le déménagement de sa famille dans la vie réelle, alors que leur rêve devenait réalité. Dans le prolongement de sa pratique documentaire, le projet permet à Markosian de revivre son enfance selon ses propres termes, en nous invitant à pénétrer dans la mémoire collective de sa famille, à l’aide de documents d’archives familiaux, d’images mises en scène et d’un film scénarisé.
Markosian donne accès à l’histoire de sa famille, mais aussi à son processus. La tension entre performance et réalité est accentuée par sa volonté de tirer le rideau et d’exposer ses outils. En passant de Moscou aux États-Unis, Santa Barbara teste et défie les limites de la vérité, de la fiction, du documentaire et de la mémoire.
Et, pour ceux qui ne verraient pas le rapprochement, on conseillera de regarder sans tarder la superbe série adaptée de Philip K. Dick Le Maître du haut-château et de lire en collection l’Imaginaire chez Gallimard, le Nous autres de Zamiatine, le versant soviétique du 1984 d’Orwell. histoire de pousser vraiment le bouchon. Un bon retournement de situation qui tiendra alors plus du salto que de la simple inversion de polarité…
Winston Smith le 5/12/2022
Diana Markosian - Santa Barbara → 17/12/2022
Galerie Les filles du calvaire 17, rue des Filles-du-calvaire 75003 Paris