La vie ukrainienne duraille de Julie Poly
Passée de conductrice de train ukrainienne à photographe exilée en Allemagne, Julie Poly est une star en devenir pour ses portraits décalés de gens ordinaires dans des situations qui souvent ne le sont pas… Imaginez Mario Sorrenti ou Guy Bourdin décidant de faire de la mode cheap… mais avec un humour totalement aussi féminin qu’actuel.
Julie Poly, de son vrai nom Yuia Polyashchenkow, est née en 1986 à Stakhanoy, dans la région de Lugansk en Ukraine et vit aujourd'hui en Allemagne après avoir fui Kiev. Inspirée par les projets de B. Mukhailov et sa formation à l'école de photographie de Kharkiv, elle a pris ses premières photos au marché Kınnyı de Kharkıv. Aujourd'hui, son portfolio comprend des photos pour des magazines de mode tels que Vogue, L’Officiel, Harper's Bazaar et des publications d'art internationales comme Dazed & Confused et iD. La pratique artistique de Poly fusionne son expérience de la photographie documentaire et de la mise en scène. Ses projets simulacres et légèrement grotesques reviennent souvent sur les lieux de leur genèse, comme les trains, stations de radio ou centres d'arcade, en dialoguant avec les plus modestes habitants de l'Ukraine.
Grâce à son expérience de conductrice de train, Julie Poly capture l'essence même du voyage dans les trains ukrainiens dans son projet Ukrzaliznytsia, qui est aussi le nom de la compagnie ferroviaire nationale. Employant à la fois des photographies de décors de trains et des images mises en scène de modèles représentant des passagers typiques, l'auteur développe une approche pseudo-documentaire inspirée de personnes et de situations réelles. Soldats, femmes d'affaires, gigolos, sportifs, sont autant de personnages qui donnent vie à une atmosphère unique et souvent érotique. Lorsqu'ils changent leurs chaussures pour des pantoufles ou se promènent pieds nus, les notions d'intimité et de limites personnelles s'estompent dans la lumière du train dont tous ceux qui montent à bord connaissent les règles. Balayée par l'invasion russe, cette normalité unique représente désormais aussi un espoir pour l'avenir. A Hard Rain’s A Gonna Fall ? On ne sait jamais. En savoir plus sur son travail ici et là.
Jean-Pierre Simard