Doom Patrol : Les freaks & l’effet Morrison
Dernier volume de la Doom Patrol de Grant Morrison & Richard Case, une conclusion fidèle à l’esprit déjanté et innovant des auteurs, formant une intégrale assez particulière dans l’univers DC Comics.
Conçue comme une équipe de super-héros décalée, où les protagonistes souffrent de leurs pouvoirs et n’arrivent pas à s’accepter, la Doom Patrol apporte une lecture nouvelle du super-héros en prenant cette figure à contre-courant. Probablement inspirés des 4 Fantastiques de Kirby & Lee créés 2 ans plus tôt qui met en scène une famille “handicapée” par leurs pouvoirs, dont certains comme La Chose en souffrent, plus qu’ils n’en profitent.
Cette série arrive au même moment que les X-Men et traite des thèmes similaires avec ces personnages paumés qui suivent un leader qui va leur apprendre à maîtriser leurs pouvoirs et à travailler en équipe. Mais la Doom Patrol n’aura pas le même succès et le titre s’arrête en 1968 dans un final étonnant où les auteurs font mourir leurs personnages. Une décision atypique dans l’univers des comics (et dont Grant Morrison & Richard Case se souviendront)
Renaissance & mort de l’équipe
Le titre revient à partir de 1977 avec plusieurs essais portés par le scénariste Paul Kupperberg avec le soutien de John Byrne, l’un des grands dessinateurs des X-Men qui travaillent à la même époque sur “La Saga du Phénix Noir” : l’arc le plus marquant de la série mutante.
Mais ce sera l’arrivée du jeune scénariste anglais Grant Morrison en 1989 qui va donner une vraie crédibilité au titre. Après un passage très remarqué sur Animal Man, il s’attache à mettre en place un univers référencé, méta-textuel et baigné de sous-texte qui complétera l’intention de départ des créateurs d’en faire une série à part. Avec cette approche, Grant Morrison rejoint le club des créateurs érudits de Neil Gaiman & son Sandman (lire la chronique) ou Alan Moore & Swamp Thing (lire la chronique), en proposant un comics d’action à plusieurs niveaux de lecture.
Avec le dessinateur Richard Case ils vont expérimenter, travailler la forme aussi bien que le fond et en créant de nouveaux personnages jamais vus en bande dessinée alors comme Crazy Jane ou Dannny The Street. La première possède de nombreuses personnalités et à chaque changement, son corps, sa voix et ses pouvoirs sont impactés ; et le second est une rue dotée d’une conscience.
L’indispensable parenthèse musclée
Ce sera aussi l’arrivée de Flex Mentallo (dans le T2 particulièrement) qui aura les honneurs d’une mini-série avec Frank Quitely au dessin. Un personnage méta, qui brise le 4e mur et s’interroge sur ses propres origines et son lien avec son créateur : l’auteur de comics Wally Sage. Ce Tarzan délirant permet à Morrison et Quitely de rendre hommage à l’histoire des comics (chaque chapitre fait référence à une grande période, ses codes et ses auteurs) et de taper joyeusement sur cette industrie. Une parenthèse délirante dans un univers qui l’était déjà fortement. Impossible de ne pas céder à la magie du « mystère du muscle » !
Revenons à nos freaks et à ces 3 volumes de la Doom Patrol qui concluent cette période Morrison – Case avec beaucoup d’intérêt puisque les auteurs ne se contentent pas de laisser la main, mais s’appliquent à créer une véritable conclusion et à faire évoluer leurs personnages de manière inédite. Une série atypique, à cheval entre l’horreur & l’expérimentation, entre l’humour & le suréalisme. Une excellente manière d’aborder le travail de Morrison qui va complexifier ces mêmes thèmes dans la suite de sa carrière.
Thomas Mourier le 14/06/2021
Grant Morrison présente Doom Patrol (3 volumes) par Grant Morrison & Richard Case, Urban Comics
Flex Mentallo par Grant Morrison & Frank Quitely, Urban Comics
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