Passée sous le radar : Tenesha the Wordsmith, ses perroquets et autres sauvageries…
L’anglais est la langue de Boris Johnson et de Kate Tempest ou en version Mac, de Faulkner et de Nancy Reagan. Ici, c’est La Boétie et le petit micron, ça jette comme un froid. Mais si on a souvent tendance à nous repasser Sheila ( Le Kilt - un sou est un sou… ) on peut aussi apprécier Catherine Ribeiro et Colette Magny. Alors, en version spoken word, découvrons Tenesha the Wordsmith, entre Last Poets et Jaimie Branch : brute de décoffrage, à la féminité féroce et impliquée…
Repérée en tant qu'invitée sur la chanson titre de l'album 2018 de DJ Khalad, Black Noise 2084, Tenesha The Wordsmith a livré l’an passé un album solo aussi opportun qu’intemporel avec Peacocks & Other Savage Beasts. Mêlant et mélangeant les genres, Tenesha reste fidèle à son nom, fabriquant des mots pour tisser des récits ensemble, peignant ainsi une nouvelle réalité. Cet album ne retient rien, équilibrant habilement le commentaire social, et les critiques, avec la narration. Il y a aussi une ligne d'espoir évidente. Bien que de nombreux récits soient personnels, ils sont encadrés de telle sorte qu'ils transcendent l'individu pour devenir le collectif, comme l'illustre The Collection.
Les morceaux qui clôturent l'album, Dangerous Women et I Dream So Loud, sont de la poésie en forme de prière : à la fois invocation, inspiration et aspiration.
Tenesha The Wordsmith est originaire d'Oakland, en Californie, et Peacocks & Other Savage Beasts reste fidèle aux traditions littéraires et musicales nées dans la région. Multidimensionnel, l'album existe simultanément dans plusieurs domaines tout en restant fermement ancré dans son caractère singulier. Il y a l’apport de la Great black Music et des traditions afro-américiane qui font le lien avec l’auditeur et lui permettent d'être simultanément en dialogue avec son passé, son présent et son avenir.
Les neuf morceaux sont révolutionnaires, poétiques, lyriques et en phase avec une tradition musicale qui, jusqu'à présent, s'est effacée de l'attention du public. L'instrumentation, aussi variée que le sujet, est parfaitement alignée, puisqu'elle traverse l'allée musicale et les archives pour mettre en avant un mélange unique d'instruments africains, de musique de danse électronique et d'éléments de jazz. Grille des temps modernes, Tenesha The Wordsmith souligne pour les auditeurs qu'il existe de multiples façons de raconter l'histoire -et celle proposée ne manque d’à propos ni de consistance. On adhère !
Jean-Pierre Simard le 8/05/2020
Tenesha The Wordsmith – Peacocks & Other Savage Beasts (2019) - On the Corner Records