Banlieues Bleues 37e, hisse et haut !
Eteignez télé et portables, avant d’embarquer pour la croisière dyonisiaque annuelle qui donne l’occasion de partager ce voyage imprévisible défiant les routes et les cartes en vigueur, à la recherche de nouvelles formes musicales.
Quelle que soit la forme qui vous intéresse, du simple visionnage de reportages sur la TNT, des conférences, de rencontres dans les bibliothèques, du rap-théâtre, des concerts multimédia ou des concerts à affiches multiples, ou propos atypique, pour vous donner un large aperçu des musiques du monde, jazz inclus entre Alger, New York, ou de la Baltique à la Mer Rouge, de Dakar au Golfe de Guinée, en passant par la Gascogne et le Tango de Melino… vous pourrez vous y retrouver. Tout ceci commence aujourd’hui et se terminera le 3/04/2020. Enfilez bottes et cirées et embarquez, ça va tanguer !
Demain 7/03, on file à Pantin rejoindre le navire amiral de la Dynamo pour Algérie Belek Belek ! sous la houlette de Sofiane Saidi qui a concocté le plateau du jour. Cheb Abdou, le Boy George de la corniche oranaise devenu au tournant du siècle star du raï local avec son fameux refrain : « Belek belek, fais gaffe à toi si tu me quittes ou si tu me trompes ! » Les medahates, ces griottes algériennes qui conjurent les frustrations conjugales dans les mariages devant un auditoire traditionnellement exclusivement féminin, seront emmenées par Cheikha Hadjla, que l’on retrouve sur le nouveau disque d’Acid Arab, Jdid. La tektonik de la nouvelle génération du bled – ey-ey en version algérienne – sera présente avec Tipo Bel Abbès, le petit prince des claviers de cette techno débridée. Une diversité stylistique qui invite à la transgression des codes de bonne conduite - attention, la révolution ne sera pas télévisée, ni téléguidée - pour s’immerger dans une nuit de fête totale et d’énergie vitale, au diapason de la lame – l’âme aussi – de fond qui submerge le pays aujourd’hui.
Toujours à la Dynamo, le mardi 10 suivant, un clash de cultures entre première partie colombienne de Lucrecia Dalt et son mille-feuille de matières sonores telluriques et une seconde, du projet libano-canadien de Jerusalem in My Heart, le binôme multimédia de Radwan Ghazi Moumneh et du cinéaste Charles-André Coderre qui fonctionne ainsi : le premier chante comme un muezzin 2.0, joue du bouzouki et parsème le tout de sons extraterrestres ; le second lui répond par des images spectrales au carrefour des archives fanées et de la photo fractionnée.
Le 14, on foncera à la Courneuve écouter le Kimokt’Opéra, de Mouz & Mav, deux les voix les plus assurées et créatives du rap de Pointe-Noire (Congo Brazzaville). Leur Kimoktoire dessine la réalité d’une jeunesse africaine entre espérances et désillusions. Ce dialogue entre deux amis, qui parlent sans filtres de la famille, de la politique, de l’exil et des maux qui minent les sociétés africaines, résonne en chacun de nous. Ils ont écrit le texte original, qu’ils rappent façon théâtre et jouent façon rap, accompagnés par le formidable percussionniste et balafoniste Mohamed Sylla - leur kimoktoire devient ici un Kimokt’Opéra, accompagné de nombreux courneuviens.
Le 20, on se retrouvera à Clichy-sous-Bois pour le blues anti-capitaliste de Leyla McCalla, défini ici comme un vigoureux appel à résister à un système devenu fou depuis que Donald Trump est aux commandes au pays de Mickey. En seconde partie, Mélissa Laveaux donnera sa version de l’occupation américaine passée d’Haïti en chanson avec un répertoire tout en double sens, un « humour noir » qui masque une sombre colère, propageant une résistance à mots couverts. Pour dire à la foi les catastrophes actuelles - et une envie que les choses se passent autrement.
Le bateau pour Stains larguera les amarres le 27 pour croiser tangp et rebetiko avec Mélingo qui va mixer le rock bruitiste et les infrabasses du dub, l’esprit de blues sépulcral et les samples hallucinés, en y infusant du rebetiko, la musique du ghetto des ports grecs voici un siècle. La connexion fait doublement sens, quand on sait que l’Argentin a des ancêtres grecs, débarqués dans la capitale argentine quand celle-ci brassait dans un bordel sans nom exilés et paumés du monde entier. Ce sont tous ceux-là que l’on perçoit dans la voix habitée du poète, qui trace entre les lignes de ce projet rétro-futuriste l’hallucinant autoportrait d’un visionnaire, définitivement hors de toute norme.
Et pour terminer, on rejoindra l’Embarcadère d’Aubervilliers (en eaux douce!) pour l’hommage à Hugh Masekela de Tony Allen et le high life torride de Gyedu-Blay Ambolley & His Sekondi Band. Le premier alliant le swing subtil et la grâce lyrique de MAsekela au drive implacable et le feeling polyrythmique de Allen, avec une basse pour faire le liant. Rien de démonstratif, nulle virtuosité, juste le plaisir d’entendre communier deux musiciens dans une session qui pour tout amateur de grooves panafricains tient du document historique. À l’image de We’ve Landed, une rythmique hip-hop et un souffle onirique, deux voix au diapason pour indiquer le cap à suivre à la jeune génération. Quant à Gyedu-Blay Ambolley ensuite, c’est simple, il a la réputation d’être le James Brown ghanéen et de pouvoir faire danser les cul-de-jatte. Y aller, ne serait-ce que pour vérifier sur place, c’est tentant !
Alors, évidemment nos choix taillent à la hache dans la programmation car il faudrait évoquer le blues du Yemen, Femi Kuti, Sarah Murcia (on en reparlera avec son album), Cheik Tidiane Seck, André Minvielle sur Prévert, mais… on termine comme cela. A vous de décider ce qui emportera vos suffrages avec la prog totale ici et la billetterie là … Notez que l’achat d’un pass donne - 20% pour 3 concerts, – 25% pour 4 concerts,– 30% pour 5 concerts et plus…
Fela Vessel le 6/03/2020
Banlieues Bleues 37e édition 6/03 ->3/04/2020