Ulla von Brandenburg l'affirme : le milieu est bleu (au Palais de Tokyo)
Installations, sculptures, performances et films conçus pour l’exposition se répondent et s’enchevêtrent dans un récit ouvert, entre authenticité et artifice, monde naturel et activités humaines, intérieur et extérieur, fiction et réalité. Et, avec Ulla, au milieu, tout est bleu…
Les amateurs d'art textile se donnent rendez-vous au Palais de Tokyo du 21 février au 17 mai pour découvrir une exposition des oeuvres de l'artiste allemande Ulla von Brandenburg, intitulée Le Milieu est Bleu. Une rétrospective qui se déroule en parallèle de la toute nouvelle saison de l'établissement culturel, Fragmenter le Monde. Pour les habitués du lieu, c’est aussi elle qui, en 2013, avait fait la réouverture du lieu après les travaux. Cette fois, elle a imaginé "un projet total et évolutif, inspiré du théâtre, de son imaginaire et de ses conventions", autour de la notion de rituel comme "possibilité d’explorer les relations entre l’individu et le groupe, de créer ou non du commun". L'idée ? Prendre part à "une expérience immersive et renouvelée des thèmes, des formes et des motifs qui irriguent son œuvre : le mouvement, la scène, la couleur, la musique, le textile".
« Le tissu me permet de camoufler, de cacher, d’habiller le cube blanc du musée et par là de changer les systèmes de valeurs et les cadres de pensée. J’utilise des tissus pour créer des espaces dans lesquels on peut prétendre se trouver ailleurs, tomber pour ainsi dire dans d’autres mondes. (…) Dans un espace où sont suspendus des rideaux, la séparation entre intérieur et extérieur, ou entre différents mondes, devient floue. Et ce flou amène à se demander où l’on est. »
Ulla von Brandenburg
On va donc traverser pensées, univers, sensations et réflexions/propositions au fil du parcours très immersif qui fait intervenir tous les média déjà cité: toucher le tissu, voir les films et les danseurs ( tous les samedi… ) Ulla von Brandenburg imagine un conte comme un rite de passage, une ethnologie fantasmagorique. Il s’agit en effet pour l’artiste de filmer une « micro-société, comme s’il s’agissait de la dernière de son espèce, de témoigner de son fonctionnement, de ses valeurs mais aussi de sa capacité à changer et à s’ouvrir sur l’extérieur. » Elle actualise par ailleurs une pensée du populaire, du commun, de la communauté, cherchant à abolir les distinctions entre le public et le privé, le professionnalisme et l’amateurisme, la sédentarité et le nomadisme, la nature et la culture. On peut alors y voir de nombreuses variations sur la perte, le don, la transmission, l’abandon, la fuite ou encore une chorégraphie sans autre objet qu’elle-même. Et enfin, la dernière partie de l’exposition est composée d’une installation labyrinthique dont les pans de tissus bleu délavés, eux aussi recyclés, accueillent cinq projections de films tournés sous l’eau dans lesquels des objets (un miroir, un escarpin, une robe…) apparaissent et disparaissent comme à la suite d’un naufrage. En contrepoint au monde terrestre et rural du début de l’exposition, ces visions subaquatiques évoquent alors tout à la fois un au-delà, une disparition de l’humain ou une plongée dans son inconscient.
Immersif à plus d’un titre, aucune raison de ne pas aller à la découverte d’une proposition aussi multiple que sensuelle. Le toucher dans l’art, ‘est généralement la part manquante. Pas là !
Jean-Pierre Simard le 21/02/2020
Ulla von Brandenburg - Le milieu est bleu → 17/05/2020
Palais de Tokyo 13, av. du Président Wilson 75016 Paris