Catherine Ludeau et ses résines absorbantes chez Hors-Champs
Comme lovée dans un repli du temps oublié des hommes, dans un recoin de l’histoire ignoré par les urgentistes du rien consumériste – quelque part entre le moyen âge japonais et le XXIème siècle mondialisé, Catherine Ludeau occupe un espace, une alcôve de paix, où l’on se sent chez soi sans y avoir été invité. C’est une nouvelle fois le cas avec “Absorption”, sa dernière exposition chez Hors-Champs dans le Marais.
Née à Paris en 1956, diplômée de l’école supérieure des Arts Appliqués Duperré, elle part vivre à New York en 1978, et travaille comme illustratrice pour la presse et l’édition. Elle revient en France en 1981 et poursuit son parcours artistique par l’aquarelle et le dessin à la sanguine. 1999 est le début de la peinture à l’huile. À partir de 2000 et durant 4 années, elle va transmettre son savoir en donnant des cours de dessin, de peinture et d’aquarelle. Les premiers tableaux avec de la résine apparaissent en 2011 et son travail en expansion y trouve de nouvelles textures, jusqu’à la présente Absorption. Et c’est son galeriste, Hannibal Volkoff qui en donne les enjeux : “ Le choix de la résine est le plus à même à pouvoir traiter de l’absorption : c’est une substance d’imprégnation, qui conserve en son corps des éléments extérieurs, bulles d’air et textures de passage. On pourrait parler de digestion, la résine étant un produit organique. Une digestion de notre regard ? De nos reflets sur sa peau, déformés en son sein stellaire comme la matière par un trou noir ? Nietzsche disait : « Quand tu regardes l’abîme, sache que l’abîme aussi regarde en toi. Mais si l’on peut aisément décrire l’effet que notre contemplation de l’abîme nous inspire, comment savoir celui que nous lui faisons ? A cette question, c’est avec une profonde et méditative sérénité que les toiles de Catherine Ludeau nous répondent.”
Si la matière est belle, de près l’œuvre intrigue à donner son lissage à la vision, à mimer l’ambre et ses reflets, à nous donner envie de toucher. Pas de la peinture à l’œil, de la peinture pour l’œil et les autres sens qui aussitôt s’activent… pourquoi une telle approche nous convainc-t-elle immédiatement, nous donnant une vibration en bleu ou en orange pour mieux nous faire nous sentir terrien. Et, c’est ancré au sol, les yeux ailleurs qu’on aimerait posséder une ou plusieurs toiles, un moment seulement, le temps laisser la résine agir pour nous éloigner des choses, nous laisser à portée, mais pas à toucher, comme à nous installer dans une vibration isolante. Alors, bleu, orange, marron ou gris… à vous de choisir, la vibration en conséquence et en rapport avec votre propre (ou pas) état d’esprit. Sensuel, plutôt deux fois qu’une.
Jean-Pierre Simard le 19/12/19
Catherine Ludeau - Absorption -> 14/01/20
Galerie Hors-Champs - 20, rue des Gravilliers 75003 Paris