Mr Fingers remet les doigts dans la prise
Sorti le 13 avril dernier, Cerebral Hemispheres est le premier album de Larry Heard sous ce pseudo depuis 24 ans. Mais il faut parfois savoir se faire attendre et délivrer, à propos, ce son fondu de synthés hypnotiques en 18 variations majestueuses.
Le producteur américain, aujourd'hui résident à Memphis et originaire de Chicago, connu principalement pour « Can You Feel It » ou « Missing You », n’avait pas fait parler de lui sous l’alias de Mr.Fingers depuis 1994 avec « Back To Love ». C'est après un test de son album à Londres l'été dernier au Sunfall Festival qu'il a décidé de le sortir. Et dire qu'il était attendu au tournant, semble évident. Alors que le son qu'il a créé au milieu des années 80 est partout aujourd'hui, on le retrouve sur l'album à plein de niveaux et sous diverses formes, collé à l'ADN des titres de l'album, mais sans redite ni réutilisation systématique des mêmes éléments, car Cerebral Emispheres laisse la place aussi bien au R&B, qu'à des guitares rock ou des frissons jazzy au long des quasi 100' du disque qui se la joue écran musical panoramique,
La première moitié est sur un mode très calme avec souvent Heard au piano et à la voix, Zach McElwain au ténor et des synthés légers et pointus pour faire le son. Sur les moments forts, on remarque la guitare gilmouresque de Chris Jones' sur "City Streets" avec un son évidement floydien, ou encore le dub de "Tiger Lounge," qui sonne vraiment proche de Nightmares on Wax.
Plus soin, sur "Sao Paolo" la house se fait brésilienne et légère, avant de devenir minimaliste sur "Crying Over You," un genre de classique instantané. Puis, on bascule ensuite dans l'abstrait. "Cerebral Emispheres" et "Electron" sont les titres club de l'album sur lesquels Heard mélange des lignes de synthés joués en arpège à de simples mélodies pour les faire dériver, en accélérant les rythmes progressivement. Larry Heard reprend avec d'autres traitements son EP de 2016 EP Outer Acid, orientés plus dub et sur lesquels on peut noter la présence du Berlinois découvert chez Morizio, Paul St. Hilaire.
Le titre de fermeture "Praise to the Vibes" voit la participation de la nouvelle soul queen Lady Wray qui balaye les sons précédents de la house pour sonner plus actuel, entre l'Afrique du Sud et Atlanta (résidence habituelle de Wray). Après avoir balancé tout le catalogue revisité, Heard, une fois de plus, pousse le bouchon plus loin, en faisant le lien entre deux générations de musiciens, à 25 ans d'écart. Et le moins qu'on puisse affirmer est qu'il le fait très très bien. Excellent album - découverte pour les uns, retrouvailles pour les autres. Grand moment pour tous. What Else ?
Jean-Pierre Simard le 26/04/18
Mr. Fingers Cerebral Hemispheres Alleviated Records