Enquête de légende : le lac de Svetloyar et l'autre monde
La disparition de l'Atlantis russe sous la surface du lac Svetloyar, au XIIe siècle, laisse encore aujourd'hui comme une aura fantomatique et surnaturelle dans la région. “Avec la chute du bloc soviétique, les gens se sont retrouvés avec des blancs dans leur propres mythologies et ils sont retournés vers de vieilles croyances et de nouveaux leaders spirituels", conclut le photographe Jewgeni Roppel, un voyageur au pays des ombres signifiantes.
Jewgeni Roppel est parti en quête de l'âme russe, en visitant le nord de la Russie et la légende qui court autour de la ville de Ritzeh, l'Atlantis supposée de l'endroit. Les légendes locales la voient comme un lieu magique juste sous la surface du lac; disparu, suite à la venue des envahisseurs mongols du XIIe siècle. Ses habitants ayant fait le choix, plutôt que de mourir par le feu, de transformer leur ville en un lac et d'y trouver protection.
Le nom du lac Svetloyar, est dérivé du mot russe signifiant à la fois lumière et monde. Et bien que la légende aie été désapprouvée, elle a donné lieu à nombre ouvrages, de livres à peinture, en passant par son inclusion dans la culture pop via les jeux vidéo, la chanson et même l'opéra. Dernièrement, le photographe Jewgeni Roppel en a donné sa propre version en allant ré-enchanter les lieux par ses prises de vue qui interpellent autant les gens sur place que l'endroit qui l'a vu naître.
“Avec la chute du bloc soviétique, les gens se sont retrouvés avec des blancs dans leur propres mythologies et ils sont retournés vers de vieilles croyances et de nouveaux leaders spirituels", affirme le photographe.
Bien sûr, Kitzeh fait partie de ces légendes qui resurgissent et occasionnent de nouveaux pèlerinages. Roppel, qui s'est déjà intéressé au rapport entre les gens et les lieux sacrés avec son projet “Magnit,” a décidé en 2015 d'aller voir de près comment les gens sur place vivent le phénomène et à quelles expériences surnaturelles les alentours du lac donnent lieu.
“En me servant de métaphores et de symboles, j'ai voulu transcrire l'expérience des gens sur place en les incluant dans mes images. Mon travail a été de transcrire leurs expériences à l'image pour les rendre manifestes.”
Parti d'une approche documentaire, Roppel s'est vite laissé emporter vers une approche plus artistique du lieu, tant son pouvoir d'évocation est grand et les expériences des gens s'y prêtent. Une femme, par exemple, lui a raconté qu'elle s'était sentie attirée par la région, persuadée qu'elle y avait vécue dans une vie précédente, quand une autre lui a affirmé qu'il suffisait de s'asseoir longtemps sur ses rivages pour commencer à communiquer avec lui. Tout cela participant du fait que le lac est censé être un passage vers l'autre monde.
Pourtant partie d'une croyance chrétienne, l'Eglise orthodoxe a fini par y construire un église juste pour manifester qu'il se passe quelque chose de singulier, voire magique à Svetloyar. Leur interprétation du mythe de Kitzeh est que, lors de l'attaque, Dieu, entendant les prières de ses fidèles a décidé de les protéger en les faisant vivre au fond du lac, laissant les païens désemparés à la simple vue d'une cathédrale blanche s'élevant au dessus des flots. Et même encore aujourd'hui, certains affirment qu'en tendant l'oreille, on peut entendre les cloches résonner sous l'eau…
Roppel, s'il ne peut prouver le surnaturel du lieu, peut néanmoins le transcrire dans ses photographies, et il avoue être plus intéressé par les manifestations de l'invisible que par celles, plus triviales, du quotidien du bord du lac; à son goût plus révélatrices de la psyché locale. “ En y allant et en écoutant les histoires sur place, on se laisse influencer par ce qui est dit et lentement la légende commence à vous imprégner. Bien sûr, cela ne fonctionne que si on le veut bien. Mais, tout de même…”
Adaptation et traduction de Félix Guétary d'après Magnus Pölcher
Svetloyar de Jewgeni Roppel