Passé sous le radar : l'Hijaz'Car par Richard Manière

Loin des codes anecdotiques de la musique orientale et pourtant influencée par elle, le quintet strasbourgeois, dirigé par le oudiste Grégory Dargent, nous emmène ailleurs grâce aux sons et à une production franche où la musique est en train de se faire, enregistré en cercle au Studio Pigalle, 15 années après leur formation et de nombreux concerts de par le monde. 

Amis(es) entends-tu la musique de ce monde ?Si oui, c'est que tu as prêtée une oreille attentive à l'album de L'Hijaz'Car, au titre éponyme, et que tu as embarqué pour un voyage imprévisible. Avec Grégory Dargent (oud, direction), Jean-Louis Marchand (clarinette basse), Nicolas Beck (tarhu), Vincent Posty (contrebasse) et Etienne Gruel (percussion), tu vas foncer tête baissée dans une aventure sonore, où la musique se joue des lignes et des cloisons imaginaires, où le temps, et les tempos se jouent des règles. C'est que tu déambules sur de longues plages de musique instrumentale aux thèmes répétitifs et aux volutes aléatoires de leurs arabesques parfumées.

C'est que tel un derviche, tu circonvolutionnes dans ces ellipses où les thèmes te marquent au fer rouge puis te caressent aussitôt dans l'apaisement d'un oud mélancolique et te renvois dans les cordes, épileptique, synchro avec les percussions répétitives qui martèlent le temps dont tu n'as plus aucunes notions.

Si oui, c'est que tu reconnais à présent sa respiration, ses convulsions, ses soubresauts, ses joies et ses malheurs, ses peurs et ses espoirs. C'est que tu te surprends à déambuler dans un film de Jarmush. C'est que tu écoutes longuement, les complaintes et la poésie des sables émouvants, et celles des grands axes bitumées sans jamais les comparer. C'est que tu t'opposes toujours au potentat d'une musique formatée. C'est que tu as laissé tomber ta cuirasse, devenant perméable aux nouvelles sonorités.

Si oui, c'est que tu sais que la musique se fait dans l'instant et qu'il est rare qu'elle puisse être gravée en gardant l'intensité de celui-ci, l'instant où tu te retrouves en cercle pour jouer ensemble. (L'enregistrement de l'album, au Studio Pigalle, s'est fait dans ces conditions, dans une même pièce, en live et donne donc à écouter, la musique entrain de se faire). C'est que tu n'as pas la chance de voyager en Europe, ou dans le monde facilement, et que tu aimes à faire des voyages immobiles.

 

Si oui, c'est que tu sais que la musique se fait dans l'instant et qu'il est rare qu'elle puisse être gravée en gardant l'intensité de celui-ci, l'instant où tu te retrouves en cercle pour jouer ensemble.

(L'enregistrement de l'album, au Studio Pigalle, s'est fait dans ces conditions, dans une même pièce, en live et donne donc à écouter, la musique entrain de se faire). C'est que tu n'as pas la chance de voyager en Europe, ou dans le monde facilement, et que tu aimes à faire des voyages immobiles.

Si oui, c'est que tu sais que les instrumentaux de L'Hijaz'Car réinventent tes images préconçues lorsque tu as lu les titres : "Istambul, sur ma dérive asiatique" morceau scindé, qui ouvre en son silence central, tout les possibles d'une ville monde, pont entre l'occident et l'orient...

Et "Le Cuirassé Potantat" qui fait l'ouverture n'est pas le titre qui dicte à l'ensemble de l'album ce qu'il doit être. C'est que tu sais, que les titres évoquent cette charnière, temporelle, historique, sensorielle, musicale entre les mondes, comme "1973 (Mulatu & The Duke)" qui fait se rencontrer Mulatu Astatke et Duke Ellington, au final « Caravanesque » d'un hommage respectueux.

Si non, qu'attends-tu amis(es)... Le temps n'a pas prise sur la musique. Un disque est toujours nouveau, car il est de l'époque où tu l'écoutes. Ne laisse pas tes esgourdes loin de cette précieuse œuvre qui par les temps qui courent t'invite à déambuler, sur le chemin qui t'emmène à travers les genres, en efface les frontières, et te permet du haut du Hijaz (Hijaz est une structure modale de la musique arabe, c'est également le nom d'une chaîne de montagne de la péninsule arabique) de contempler le berceau de(s) l'humanité(s), pour y dessiner des lignes de fuite, brisées, croisées, sans cesse...

Richard Manière le 11/05/17

L'Hijaz'Car / Label Buda Musique