L'Esprit français des contre-cultures de 1969 à 1989 à La Maison Rouge
De la Figuration Narrative à la terreur graphique des Bazooka, des publications de chez Champ Libre à la création des radios libres, de Hara-Kiri à Bérurier Noir, cette exposition rend compte d’un esprit français, forcément critique, toujours irrévérencieux et résolument contestataire, en proposant une galaxie de filiations et d’affinités. Avec sa soixantaine d’artistes et quelque 700 œuvres et documents (journaux, tracts, affiches, extraits de films, de vidéos et d’émissions de télévision), l’exposition assume son maillage esthétique, en regardant vers d’autres créations que celles mises en avant dans (le marché de) l’art contemporain.
Elle est l’occasion de présenter des pièces rarement montrées telles que des carnets du groupe Dziga Vertov (fondé par Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin), une sculpture monumentale de Raymonde Arcier ou les « livres d’école » d’Henri et Marinette Cueco ainsi que de passer commande d’œuvres inédites à Kiki Picasso (Il n’y a pas de raison de laisser le blanc, le bleu et le rouge à ces cons de français, 2016-2017), Jean-Jacques Lebel (L’Internationale Hallucinex, 1970-2017) et Claude Lévêque (Conte cruel de la jeunesse, 1987-2017).
Sexualités, militance, dandysme et violence opèrent tut de go comme des fils rouges dans l’exposition organisée en chapitres (contre-éducations, sabotage de l’identité nationale, influence du Marquis de Sade sur certaines pratiques radicales.) Les modes de production et de diffusion alternatives dans la presse et les médias, en même temps que la montée d’une violence contestataire et sa répression tout aussi brutale, construisent un paysage social qui s’assombrit, sur fond de crise, avec l’émergence du chômage de masse, des getthoïsations et d’une banlieue trop froide ou trop chaude qui catalyse les malaises pour servir de répulsif aux possédants.
En France, de la contre-culture à l'underground, il n’y a qu’un pas. Beaucoup des artistes montrés ont fait le choix manifeste de ne pas entrer en art ( comme dans la carrière quand les aînés n'y seront plus … ), tout en restant parfois tout proche, afin d'y puiser sans en subir les prescriptions. D’autres, à l’intérieur même de ce champ, sont restés fidèles, à des manières qui ne se faisaient pas : figuration, caricature, ethnographie, militance politique. Autant de dissidences esthétiques comme autant de formes de résistance à un ordre formel des choses et qui viennent redonner de la diversité à une histoire de l’art français un peu monochrome - car tel qu'il a été montré jusqu'ici. À dévoiler enfin ces idées et pratiques singulières, il s’agitd’éclairer des mutations culturelles, commede réactiver certaines énergies au présent. Et, pas par hasard, avec ceux qui ne s'en sont pas laissé compter par les sirènes champagne/coke des années 80 et du fric triomphant à vendre des tableaux sans même avoir à les peindre. Je ne citerais personne.
Jean-Pierre Simard (d'après dossier élagué façon puzzle)
Publié le 23 février 2017
Exposition L’esprit français, contre-cultures 1969-1989 24 février → 21 mai 2017
Maison Rouge - 10, bd. de la Bastille75012 Paris