Dave Clarke en nouveau profanateur du désir
Consacré ultime baron de la techno par John Peel, Dave Clarke est plus qu'un monument anglais du son électronique, il est à la fois un dj, compositeur, remixeur et producteur à l'influence aussi considérable que Jeff Mills. Techno-punk, osant s'aventurer hors de son domaine de prédilection, il revient après treize ans d'absence discographique pour un album aussi sombre que l'air du temps, à vouloir profaner le désir. Desecration of Desire commente en dix titres et, avec des invités prestigieux, le pourquoi du comment.
Vrai anar qui ne s'en cache pas dans ses productions, les albums de Clarke ont toujours reflété cette attitude. Et, bien qu'il soit absent de la production, sauf au niveau des remixes, depuis des années (dernièrement pour Placebo, The Soft Moon et A Place to Bury Strangers), il avait, jusqu'à aujourd'hui sorti uniquement deux albums (marquants), en 1996 Archive One (au top ten des prod techno mondiales) et Devils Advocate en 2003. Et sa réinterprétation du "She's in Parties" de Bauhaus avait ouvert le voie au son des Liars, Crystal Castles et autre Big Black Delta.
Dave Clarke composant son dernier album est égal à lui-même avec les emprunts aux genres habituels qu'on lui connait : électro cinématique pour le titre d'ouverture glaçant "Exquisite", down tempo lugubre sur "Is Vic There?" (qui sonne comme du Depeche Mode dernière période) ou encore électro-goth d'enfer sur "Frisson".
Habituellement les albums du genre hésitent à s'aventurer du côté de la parano 60's (depuis le Spying Glass de Massive Attack) sur "Dot Forty One", puis à balancer de l'IBM sur fond de basses punk avec "I'm Not Afraid", mais quand The Desecration of Desire s'emballe, ça donne à fond, comme sur "Plasmatik" avec une superbe pulsation planquée sous un son digne de la house de Chicago des 80's. Un vrai truc punk pour s'éclater en sueur dans un hangar sans lumière. Evidemment, l'écoute à la maison, dans de meilleures conditions, avec une sono digne de ce nom fait découvrir d'autres sonorités, mais c'est déjà très bien comme ça !
L'autre truc qui intrigue à l'écoute de l'album, c'est l'utilisation qu'il fait des voix - qu'on est plus habitué à entendre chez les frangins Kalkbrenner ou chez Dillon - et qui apportent une dimension supplémentaire sur "I'm not afraid of you" ( Hello le Dark Lady de DJ Food) avec Anika en invité et une basse aussi sensuelle que rampante ou sur le meilleur des deux titres avec … Mark Lanegan, "Charcoal Eyes", (meilleur titre ici présent) qui envoie des percussions baraquées, pendant que le chanteur récite: "Self flagellation by music / the walk of a man needing to grow / I have fucked with the past / now it's time to dance with the future". Encore une année rieuse dans le meilleur des mondes !
Ce qui rend les albums de Dave Clarke indatables, c'est son parti pris d'utiliser toutes les ressources disponibles, passées ou présentes pour les reconstruire au présent, à son tempo perso. A la manière de Rødhåd, le concept se met au diapason du propos pour dire son fait au monde. Et nous, de danser dans les décombres…
Jean-Pierre Simard 17/11/17
Dave Clarke - The Desecretion of Desire / Skint