Botanica, la beauté du plastique débarrassé du pétrole
Le plastique n'est pas forcément un dérivé du pétrole, comme nous en sommes venus à le penser. Plastique est tout mélange contenant une matière de base (un polymère) qui est susceptible d'être moulé, façonné, en général à chaud et sous pression, afin de créer un objet. C'est assez amusant de jouer au petit chimiste, et de trouver, par exemple, que le PVC est fait à 57% de sel et à 43% de pétrole.
Comment faisions-nous, avant le succès de la pétrochimie, qui a fait du pétrole cette matière ubique qu'on retrouve jusque dans les cosmétiques, les adhésifs, toutes les fibres synthétiques, les détergents, les solvants, les plastifiants et les engrais? Amplifiant ainsi tous les problèmes géopolitiques, économiques et écologiques qui vont avec cette suprématie du pétrole, devenue matière à tout faire. Commissionnés par le très intéressant Musée italien de l'art plastique(PLART 48, via Martucci 80121 Naples), qui collectionne les plus beaux objets en plastique du vingtième siècle, et réfléchit avec l'industrie sur l'avenir des technologies de la plasticité, que je désigne ainsi pour rappeler qu'elles n'ont aucun raison de rester à jamais confinées au pétrole et bloquées sur lui, le Studio FormaFantasma s'est lancé dans un travail d'encyclopédiste et d'alchimiste pour concevoir des objets modernes et possibles construits dans les matières plastiques d'avant l'ère du pétrole.
C'est beau comme une utopie réalisée. Étrange à voir. Terriblement poétique, aussi. Et politique, bien sûr, quand on songe à tout ce que cela veut dire: dépasser l'ère du pétrole. Et aux implications, par exemple pour l'Europe, d'une telle démarche. Les Égyptiens employaient déjà des colles, à base de gélatine, caséine ou albumine. Il y avait bien sûr le caoutchouc d'Amérique du Sud. En 1870, les frères Hyatt inventèrent le Celluloïd (utilisé dans les balles de ping pong) qui est considéré comme la première matière plastique artificielle, obtenue en plastifiant la nitrocellulose (issue de la nitration de la cellulose du bois) à chaud par le camphre.
Il y a aussi cette chose étrange: la Galalithe, obtenue en 1889 par le chimiste français Jean-Jacques Trillat à partir du durcissement de la caséine du lait (!), et si dure et soyeuse au toucher que toutes les boules de billard en sont encore faites. Il y a aussi la Rosine (ou colophane, tiré de la sève des pins, qui fut une spécialité d'Arcachon), le dammar (une autre résine d'arbre, venue d'Indonésie, et qui servait à faire des vernis), le coppal (proche de l'ambre), le Shellac (tiré d'un excrément d'insectes, en Inde et Thaïlande), le bois durci, que l'on composait de sciure et de sang. La liste n'est pas infinie, mais elle est longue. Aujourd'hui, de nouveaux bioplastiques sont créés industriellement à partir de l'amidon ou de la cellulose, et sont certainement l'alternative la plus crédible au tout-pétrole.
Studio de design, aussi, FormaFantasma s'est employé à créer des objets dont la forme et les couleurs naturelles évoquent la matière dont ils sont tirés. Cette belle collection évoque donc un peu le cabinet de curiosités. Mais il s'agit d'ici, trouvant sa source dans l'étude du passé, d'une curiosité pour l'avenir. Et pas seulement d'un acte d'érudition. Ou d'un seul parti-pris esthétique. Est-ce qu'on peut parler d'un rétro-avant-gardisme?