Les loup-garous d'Egea sont entrés dans Paris - Derniers jours
Si chacun voit le monde selon son propre prisme, José Manuel Egea a choisi le loup-garou pour ce faire. A l’aide de celui-ci, il revisite le monde et l’ajuste à sa vision en adaptant son monstre à chaque élément du quotidien. Et c’est passionnant d’y trouver une vision universelle du mal qui parle à chacun, à tu et à toi …
Ce double aussi effrayant que monstrueux qui sommeille en chacun d'entre nous est ainsi développé en une foisonnante palette de représentations : du dessin à des interventions sur des portraits photographiques tirés de magazines ou de livres d'art, en passant par la sculpture et les performances lors desquelles il « joue » sa transformation. Cette créature mythologique se pose comme symbole d'une trouble dualité, mais elle incarne dans le même temps une grande puissance, mystérieuse, et capable d'exercer un ascendant sur l'homme, de lui inspirer de la peur. Alors quoi de mieux, pour l'exorciser, que de jouer avec cette peur, de vouloir devenir la peur elle-même et se sentir investi de sa force ?
Egea fait alors surgir cette part d'ombre d'images imprimées sur papier glacé qui n'avaient comme vocation première que de nous séduire. Il y convoque la bestialité, faite de silhouettes fuligineuses et menaçantes, d'yeux énucléés, de pilosité triomphante et d'attributs lupins pour mieux démontrer comment on peut basculer de l'autre côté du miroir. Et c’est le but de l’art brut de montrer la représentation sans filtre en exorcisme, comme en transcodage pour dire le fait …
Côté boutique, cet iconoclasme va jusqu'à la scission nette de la page (imprimée, découpée, lue, revue) , pour accentuer la fracture entre ces deux mondes ; parfois même, c'est le recouvrement complet de la feuille, d'où l'on devine alors à peine, vaincue dans la noirceur, la beauté factice que ces images nous imposaient.
José Manuel Egea s'adonne à un jeu libérateur puisque, tout en malmenant notre humanité, en s'émancipant de la norme, il nous révèle les grandeurs de l'altérité dans un geste artistique pur et sans retenue. De l’entrevu magique à la révélation de la dualité, une œuvre qui sourit de nous interpeller.
Jean-Pierre Simard
José Manuel Egea- Lycanthropes -> 15/10/16
Galerie Christian Berst - Art Brut - mardi -> samedi de 14 à 19h
3-5, passage des Gravilliers 75003 Paris