Sadie Benning : mon esprit, mon œil!
Sadie Benning a commencé à produire des vidéos expérimentales en 1988, pendant son adolescence. Ses films noir et blanc, lo-fi, exploraient des questions d’identité, du langage et de la mémoire. Improvisés avec le matériel disponible sur le moment, Benning a construit des images animées à partir d’objets trouvés, de dessins, textes, performances et rushes. Et c'est pas triste !
Depuis ces vingt dernières années, la forme, le contenu et la poésie explorés dans ses œuvres de jeunesse ont mûri avec l’engagement de l’artiste et l’évolution de questions politiques, conceptuelles et matérielles. On rend hommage ici, avec la vidéo éponyme des Small Faces au titre de son exposition, à la culture pop qu'elle détourne dans ses œuvres, quand elle n'y participe pas dans ses clips pour des groupes de rock ou ses illustrations de magazines passées.
Depuis peu, Benning produit des œuvres murales qui perturbent les catégories de peinture, dessin et sculpture. Ces œuvres commencent par un traçage sur un panneau de bois. Les éléments constitutifs de l’image sont ensuite découpés, des couches d’aqua résine colorées sont appliquées sur ces formes qui seront ensuite poncées et modelées puis rassemblées pour former la composition finale. Lors de l’assemblage, les interstices entre les pièces deviennent un espace conceptuel de projection personnelle :
« Il y a un vide entre les panneaux qui correspond à ce troisième espace dont je parle - cette vacance où nous devons imaginer quelque chose d’autre. La ligne manquante. Ce n’est que de l’air, et une ombre »
Les objets exposés dans « L’œil de l’esprit » veulent explorer cet espace liminal génératif entre langage et expérience. Chacune des œuvres n’a qu’un seul mot pour titre : Nuit, Parc, Pensées. Si chacun de ces mots peut décrire littéralement un élément de chaque œuvre, ils mettent également en évidence la nature associative de ces compositions et le réflexe herméneutique propre au spectateur.
Contrairement à nombre de ses expositions précédentes, « L’œil de l’esprit » a été produit sans volonté de narration préalable. Lors de la production des œuvres, une série de connexions poétiques ont émergées, qui explorent les limites profondes de l’utilité du langage pour décrire l’identité et représenter l’expérience individuelle.
Dans un monde totalement dissocié, chaque œuvre à sa place, puisqu'il n'en existe plus qui fasse vraiment lien. La solution, c'est l'œuvre dans son ensemble, avec la projection de cette exposition au sein de celle-ci … et le suspens entre les toiles, la circulation, l'esquisse de quelque chose d'autre à envisager.
Sadie Benning My Mind's Eye -> 29/10/16
Galerie Air de Paris - 32, rue Louise Weiss - 75013 Paris