Derniers jours pour Présence Panchounette
Actif de 1969 à 1990, le groupe d’origine bordelaise Présence Panchounette était un collectif à géométrie variable. Leur manifeste, publié en 1969 sous le nom d’Internationale Panchounette, annonçait une impérieuse envie de tout dégommer, avec style et emphase. « Qu’est-ce que l’Internationale Panchounette ? » se demandait le manifeste : « Sinon le désespoir du dilettantisme, la fleur de la vulgarité, un baroque rachitique, un rasoir fluorescent, une dénégation distinguée, une provocation souterraine ? Une paresse qui enfle. »
Post-situ, ou plutôt « situationnistes néo-platoniciens » comme le collectif se revendiquait, adepte du calembour et des déclarations ravageuses, Présence Panchounette fustigeait à coup de tracts, lettres irrévérencieuses ou interventions loufoques les certitudes du goût bourgeois. Mais gare à celui qui cherchait à les catégoriser ou à les enfermer ! Les membres de Présence Panchounette assénaient leur dialectique « molotov » et suivaient l’air du temps : quand ils posaient pour une photographie de groupe devant l’enseigne Conforama en 1972, ils savaient parfaitement où ils se situaient, c’est-à-dire au sein d’une société marchande qui n’allait pas tarder à être toute-puissante.
En complets autodidactes, ils se sont infiltrés dans le milieu de l’art qui leur offrait un terrain d’action autant qu’un formidable réservoir de poncifs et d’injonctions esthétiques à retraiter. Avec un goût prononcé pour le motif, le populaire, le vernaculaire et le bon marché, ils condamnaient par l’absurde les références admises par les milieux culturels de l’époque, minimalisme et Art Conceptuel des années 1970 en tête.
Mais le risque guettait de « faire de la prose sans le savoir » et de devenir à son tour une avant-garde suspecte. Par une bizarrerie de l’histoire — ou plus certainement la faculté mimétique de l’art et de la mode —, Présence Panchounette s’est vu rattraper par les mouvements propres aux années 1980 comme l’appropriation, la mode des objets en sculpture, l’art néo-conceptuel ou la parodie. « Résumons : en 70 nous pastichions ce qui allait se faire en 80 » constatait le groupe parfois qualifié de future avant-garde, au point de revendiquer la primeur de certaines œuvres de Tony Cragg ou Bertrand Lavier. La posture contraignante du refus — du compromis, de la récupération, de l’approbation — s’est finalement soldée par la dissolution du groupe en 1990, mesure conservatoire pour préserver intacte leur probité.
Après une précédente exposition-souvenir dans la galerie consacrée aux photographies de Présence Panchounette (« PPP », 2014), l’ensemble réuni ici peut s’envisager comme un hommage, parfois grinçant, à certaines figures historiques de l’art. Pour Présence Panchounette il ne s’agissait pas seulement de « piquer le cul » des artistes cités mais aussi de trouver inspiration dans des œuvres légitimées, surtout s’il était possible d’en dévoyer le sens et la destination, par plagiat, pastiche ou détournement.
Et comme le disait si bien Alexandre Vialatte qui résumait leur démarche en une phrase toute aussi déconstruite : "Les statues ne font que nommer l'oubli. On n'est jamais plus mort qu'en bronze."
Jean-Pierre Simard
Présence Panchounette : Chic, choc, super, sensass !
Galerie Semiose 54, rue Chapon 75003 Paris
Site de la galerie ici