Cathy McClure : la ménagerie en folie des jouets mécaniques
Qui n'a jamais rêvé que les jouets mécaniques se mettent à vivre leur vie pleine et entière ? Ils sont cette approximation de la réalité qui n'est belle que par sa maladresse insigne, comme un aveu d'incapacité à feindre le vivant autrement que par ses signes le plus élémentaires, ces soubresauts du mouvement qui font s'écrier aux témoins d'un accident: "il est encore en vie!"
Petit, j'aimais particulièrement, dans une des baraques de fête foraine entre Blanche et Anvers, mettre une pièce pour voir s'animer un orchestre de singes qui jouaient du jazz, sans encore penser que le mal de la représentation pouvait exister. La fascination sera toujours là. C'est leur imperfection qui nous fait aimer les humbles jouets mécaniques, ces jouets de bazar sortis par millions des premières usines asiatiques: poulets qui picorent, lapins qui se dandinent, singes frétillant de cogner leurs cymbales. Cette très humble matière est celle du travail de Cathy McLure, qui a transformé du plomb en or en transcendant ces jouets à deux sous, pour en faire de petites oeuvres d'art qu'on achète à New York chez le très chic Moss. Tout cela en deux opérations si simples qu'elles tiennent de la philosophie:
Acte 1: dépouiller. Il s'agit d'arracher la peluche, les habits, toutes les fanfreluches qui dissimulent le mécanisme. La machine.
Acte 2: ennoblir. On remplace le plastique de la fabrication de masse par des matières nobles caractéristiques de l'artisanat: bronze, métaux précieux.
Acte 3: mettre en scène. Cathy McClure crée des installations où vivent ces créatures démunies et habitées d'une cruelle envie de vivre, qui miment la notre.
On peut détester. J'adore.
Christian Perrot