Chiemi Eri wants to Mambo !

Figure populaire nippone méconnue par ici, Chiemi Eri a vécu la carrière d'un Sinatra au féminin dans le Japon des années 50/60. Femme libérée, mais un peu suicidée vers la fin …

Chiemi Eri ( 久保智惠美 ) est née en janvier 1937 à Taitō, arrondissement de Tokyo. Elle baigne dans l’univers musical car Masuo Kubo, son père est un musicien autodidacte joueur de clarinette,  piano et shamisen qui se produit avec son groupe au sein de la Yoshimoto Kogyo Company (un des plus important groupe japonais de divertissements et de médias), quand sa mère, Toshiko Tanizaki est chanteuse d’opéra, dans la même compagnie.

 

 Chiemi Eri débute très tôt sa carrière de chanteuse sur les bases d’occupation militaires US à reprendre les standards musicaux de l’époque avec succès. Elle se fait alors appeler « Ellie », surnom qu’elle conserve pour la scène, Eri se prononçant « Ellie » en japonais.

Eri a trouvé un moyen de bien vivre sous l’occupation dans un Japon en pleine reconstruction en surfant sur la vague d’hybridation musicale qui voit le jour en même temps que la reconstruction d’une industrie musicale locale à base jazz, be-bop, swing, mambo, etc. Signé chez King Records, Tennessee Waltz, son premier disque enregistré à l’âge de 14 ans en témoigne avec son interprétation bilingue en anglais et japonais. Son timbre de voix dénotant une certaine maturité, lui assure ainsi une célébrité au Japon et aux Etats-Unis.

Elle va poursuivre en interprétant des chansons du folklore japonais (par exemple Sano-sa et Sakaba-nite, considérés comme ses plus grand succès), comme avec des tubes internationaux (Blue Moon, Jambalaya, Besame Mucho, Carioca, C’est si bon, etc.). Sur scène, elle se fait accompagner par des musiciens de renom, notamment le saxophoniste Nobuo Hara et son Jazz Big Band Sharps and Flats, connus pour avoir popularisé le jazz au Japon. Elle enregistre également avec les Tokyo Cuban Boys un album aux sonorités cubaines.


Devenue une figure de la culture populaire nippone dans les années 50 au cinéma et au théâtre avec Misora Hibari et Izumi Yukimura, également actrices et chanteuses, elles forment les Trois sœurs, l’émission Chiemi Ooini-utau (Chiemi sing a lot), lui est dédiée en 1965. Elle participe aussi de nombreuses fois à Kohaku Uta- Gassen, qu’elle remporte deux fois en 1963 et1964. Prenant la forme d’un concours musical, cette émission télé, l’une des plus populaires du Japon est diffusée chaque année lors du réveillon du nouvel an. La version locale de 36 Chandelles.

Mais sa réussite n’a pas fait que son bonheur, car en femme libérée de son époque, les jaloux n’ont eu de cesse de lui pourrir le quotidien, un temps mariée à Ken Takakura (en 1959), un acteur japonais de renom, parfois surnommé le « Clint Eastwood japonais », elle a du s’en séparer à cause d’une histoire d’escroquerie organisée par sa demi-sœur,  jalouse de son succès. Le 13 février 1982, elle est retrouvée morte par son manager dans de mystérieuses circonstances. Elle avait 45 ans.

La compilation de ses œuvres, soient 16 chansons issues d'albums 25 cm enregistrés entre 1958 et 1962 chez King Records Japan est là : entre jazz vocal, rythmes latino et folk japonais. Aux arrangements cubains, tout en percussions et en cuivres, se mêlent le Min’yo, où Chiemi Eri dévoile les prouesses vocales caractéristiques du genre,  avec le kobushi, une sorte de mélisme qui fait varier plusieurs notes sur une même syllabe. Et, si le son qui oscille de Celia Cruz à Ella Fitzgerald en ressort d’une certaine actualité en 2016, c’est que l’hybride musical était assez au point pour encore nous séduire.

JP Simard

Chiemi Eri / Akuphone