Short-Cuts 12, par Nina Rendulic
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 4 / 4 / 16
Elles sont blanches, encore, les Alpes. Blanches, et parfois bleues lorsque la lumière tombe à un certain degré à une certaine heure à une certaine température, elles sont bleu turquoise même, sur le support aux sels d’argent, bleues et plates car on est haut, haut, et on écrase la terre, et les disparités disparaissent dans la platitude du bleu lointain.
Le premier pas sur le tarmac. L’air est chaud.
Zagreb, c’est la nuit, l’odeur des tilleuls et du tabac. Plus de dualités. Une nostalgie heureuse, in praesentia. Tu nages. Tu regardes les fissures sur les trottoirs et des lits anonymes derrière les rideaux où tu faisais l’amour dans une autre vie. Une vieille voiture passe. Les jolies femmes dansent. Inspire.
Zagreb, c’est quand la France n’est plus qu’un concept [vue de l’esprit, idée qu’en se fait d’une chose en la détachant de son objet réel].
Le Musée des cœurs brisés
« Le Musée des cœurs brisés a été créé à partir d’une exposition itinérante autour du thème de relations qui ont échoué et de ce qu’elles ont laissé derrière elles. A l’opposé de recommandations « destructives » des discours de développement personnel pour faire face au chagrin et à la perte, le Musée offre l’opportunité de surmonter l’effondrement émotionnel par la création : en contribuant à la collection du Musée. »
Un devoir de maths, trois feuilles roses à carreaux, des graphes et des chiffres, derrière un cadre transparent à la hauteur du regard. Une chaussure noire à talon aiguille (pratique du SM ?). Trois petits paquets de drogue. Une robe de mariée, en satin rouge. Une hache. Un procès-verbal français. Un valet de cœur, trouvé inopinément dans la rue. Une peluche mille-pattes (je n’ai jamais aimé les mille-pattes). Dix raisons pour rester à Londres. Pour rester. Pour rester.
Tous ces performatifs des amours passés.
Et nos regards stériles. Ils lisent les narratifs : date de naissance, date de mort de l’amour. Des « nous étions si… » jusqu’aux « et je n’oublierai jamais… ». Et ça n’aurait pas de sens, pas de sens, ce musée, aux airs si voyeuristes, si ces amours mortes ne monteraient pas jusqu’à l’universel de la condition humaine pour descendre au fond de chacun des spectateurs.
L’air y est lourd. Nous y laissons nos désillusions.
Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis