Akira Kurosawa : du Japon vers l'universel et au-delà
"L'homme a du génie lorsqu'il rêve." Akira Kurosawa
Akira Kurosawa a fait toute sa carrière au sein du système des puissants studios japonais (Shochiku, Toho) comme scénariste et surtout comme réalisateur, alternant les genres : cinéma d’action - de La Légende du grand judo à Sanjuro -, grandes fresques historiques flamboyantes - Kagemusha, Ran -, films noirs - Chien enragé -, drames contemporains intimistes - Vivre - ou adaptations d’auteurs occidentaux, comme le MacBeth de Shakespeare avec le Château de l’araignée ou le Hamlet en polar avec Les Salauds dorment en paix, Les Bas-Fonds de Gorki, ou l’Idiot de Dostoïevski.
Cinéaste comblé par le succès public et la reconnaissance critique internationale, Kurosawa a encore aujourd’hui une influence considérable, sur le western par exemple. Clint Eastwood confie volontiers que Yojimbo est pour lui source d’inspiration, tout comme les Sept Samouraîs avaient donné naissance au western spaghetti. Et puis, il y a le cas Dodes’s Kaden, sa seconde relecture en couleurs des Bas-Fonds ( et son premier film en couleurs, une splendeur!) , un genre d’obsession avec des traitements colorimétriques d’avant-garde et l’imposition de la part du rêve, comme obligation pour survivre dans un bidonville avec l’inoubliable personnage de Rokuchan, en fou du tramway qui rythme l'image et l’histoire, par sa seule volonté. J’y vois une parabole sur les actuels camps de réfugiés du monde entier, avec leur dévorante envie de vivre, de dépasser la survie pour envisager le mieux d'un monde qui se dérobe et, la certitude qu'un ailleurs est possible, dans l'ici et maintenant.
Chez Kurosawa, le cinéma scrute toujours l’écart entre la culture féodale traditionnelle, fondée sur la négation de l’individu, et l’apprentissage de la démocratie dans un monde corrompu par le pouvoir et l’excès de l’affirmation de soi. Les contradictions du Japon moderne sont la richesse de son œuvre. Concilier l’esprit du Japon des samouraïs et l’humanisme est la vertu majeure de son cinéma. Une vertu qu’il dépasse allègrement par l’universalité de ses thèmes et de ses réalisations. des inédits aux versions restaurées, vous avez là de quoi vous infuser quelques dizaines d'heures de visionnage ne salles ou chez vous , selon que vous préfériez le format DVD ou les grands écrans des salles autrement obscures.
Concombre de mer
Tu n’as ni queue Ni tête.
Takahama Kyoshi ( 1874-1959 )
La méthode de travail collective qu’il avait adoptée au fil des ans, autour de ses projets avait pour but d’améliorer, d’optimaliser en toute humilité le potentiel d’une histoire. Le scénario définitif est plus l’œuvre d’une table ronde que d’une équipe homogène : chacun des collaborateurs prépare son propre scénario, qu’il fait lire aux autres. Les lacunes unilatérales sont ainsi écartées, et on rectifie impitoyablement les erreurs, en s’attaquant au fond du problème. C’est à la façon d’un atelier qu’avancent donc les scripts dont il initie l’écriture, tout en gardant la mainmise du chef d’orchestre.
Décédé le 6 septembre 1998, Akira Kurosawa a reçu pour son œuvre toutes les récompenses dont un auteur de cinéma peut rêver. Le plus beau compliment, et le plus unanime qu’on puisse lui faire tient en ces quelques mots : il savait raconter une histoire.
L’éditeur vidéo Carlotta, aidé par Wild Side pour la restauration image et son, à partir des numérisations HD de la Toho ressort, en deux vagues, 17 films du maître japonais au cinéma et en vidéo, dont la première vague comprend :
QUI MARCHE SUR LA QUEUE DU TIGRE… (1945 - inédit)
JE NE REGRETTE RIEN DE MA JEUNESSE (1946 - inédit)
VIVRE DANS LA PEUR (1955)
LE CHÂTEAU DE L’ARAIGNÉE (1957)
LES BAS-FONDS (1957)
LES SALAUDS DORMENT EN PAIX (1960)
YOJIMBO (1961)
ENTRE LE CIEL ET L’ENFER (1963)
DODES’KA-DEN (1970)