Le devenir invisible d'Hannibal Volkoff photographe
A peine la trentaine, et depuis dix ans une vie nocturne qui ferait frémir le regretté Pacadis. C'est Hannibal Volkoff, le photographe français qui fait partie de la nuit. Mais pas que…
« Ce que nous fredonnent ces corps est une fugue nocturne et virtuelle, comme une pause à côté d’un monde aux dogmes étriqués, aux avances déjà fanées. Les satyres dansent face à un Olympe cadavérique, et ils réclament qu’il les voit. » Hannibal Volkoff
Adolescence : Tout d’abord, je dois dire que je définis pas uniquement l’adolescence par la formation physique qui suit l’enfance, mais que je l’élargie à toute cette période de construction mentale amenant à l’état adulte –ce qui nous mène globalement jusqu’aux 25 ans, dirons-nous. Cette construction est ce qui me fascine, cette découverte de soi et des autres dans un contexte frémissant d’évolution. L’émotion naît toujours d’un moment de basculement, d’un trouble, lorsque rien n’est fixe et que soudain tout devient possible. C’est le thème de la photographie, finalement. L’adolescent est cet indistinct à capter. C’est d’autant plus vrai que ce dernier ne sait pas qui il est, il n’a pas encore le recul ni le langage pour se voir et se penser. Or la photographie, art dialectique par excellence du fuyant et du figé, consiste en un recul afin de voir, donc de penser, ce qui se meut dans ce qui semble manquer au langage.
Construction : J’avais 20 ans quand j’ai commencé la série des Garçons sauvages : l’objectif inconscient était très certainement de faire des images les témoins de ma construction identitaire, comme des empreintes, des repères. En fervent lecteur de Georges Bataille, c’est très rapidement que je me suis concentré sur le « corps excessif », les rituels de ce corps qui s’affirme dans l’expérimentation, ainsi que dans la remise en cause des codes sociétaux et des valeurs morales. J’ai ainsi débuté cette entreprise dans le milieu de la jeunesse homosexuelle, notamment parce que le sujet homosexuel, se découvrant très tôt comme corps marginal, est souvent moins frileux dans ses pratiques. Ce qui m’a amené ensuite à prolonger les Garçons sauvages avec la série des Confessions d’un masque : la découverte de plusieurs scènes parisiennes dans lesquelles des sous-cultures adolescentes (seapunks, gothico-glams, chav-queers, etc…) s’épanouissaient en une volonté manifeste de marginalisation. Il s’agissait là d’un fascinant mélange des genres, sociaux comme sexuels. Et enfin, plus tard, avec la série Les descendants : absinthe et cerfs-volants (work in progress, comme on dit), je m’intéresse à la jeunesse rock ou psychédélique parisienne. C’est pour moi l’occasion de me plonger dans l’adolescence hétérosexuelle, ou qui se définie comme telle, parcourue par les mêmes troubles et jeux amusés, par les mêmes mises en scène entre l’imitation et la subversion des références.
Hannibal Volkoff n'est ni Diane Arbus, ni Larry Clarke, même si sa recherche des extrêmes dans la vie de la nuit fait penser aux deux et ses personnages pourraient bien avoir été photographiés bien avant. Il ne court pas systématiquement les monstres, mais ceux qui échappent aux limitesou les franchissent allégrement. Quand il est encore temps.
Je ne vais pas cacher que mon regard a été guidé par une approche militante, en opposition au puritanisme et à l’oppression normative dont on peut observer un renouveau depuis quelques temps.
Maxime Duchamps (avec informelblog)
Son premier livre est paru en juin dernier :