Barakei, sujet Mishima

Les premières fulgurances de la photo d'avant-garde japonaise des 60's ne datent pas de l'arrivée de Provoke mais, cinq ans auparavant, de la collaboration entre Yukio Mishima et Eikoh Hosoe pour Barakei. Alléluia !

Né en 1933, Eikoh Hosoe vit sa jeunesse dans un Japon anéanti par la guerre. Les photographes d’avant-garde de sa génération, déchirés entre l’autoritarisme nationaliste et une ouverture sur un occident vainqueur, témoignent d’une façon ou d’une autre, de l’effondrement des traditions japonaises millénaires. Et, ce dont Barakei témoigne, c'est de la rencontre inopinée entre avant garde formelle et réaction littéraire. Saisissant !

En 1963, Hosoe crée avec le futur prix Nobel de Littérature 1968, Yukio Mishima l’album “Barakei — Killed by Roses”, qui met en scène le sulfureux auteur et élève le photographe à une notoriété internationale fulgurante. Et, preuve que l'extrême-droite de l'époque avait du talent, c'est un catalogue, à poil dans le texte/image du récit des regrets et remords de la perte d'un Japon disparu avec la guerre, entre religion et sexe. Mais est-ce bien différent quand l'homosexualité s'y voile de nombreux fétichismes ? A la fois clin d'œil et démarquage du Miracle de la Rose du Genêt de 1946.

Dans Barakei, Mishima, toujours dénudé, est alternativement capturé au milieu des ors kitsch de sa maison de Tokyo, ou dans le studio de danse désert de Hijikata ; quand d’autres prises de vue rendent hommage à son amour pour la peinture renaissante européenne et ,particulièrement, son iconographie très charnelle du martyr de Saint Sébastien.

Barakei est une fable érotique et morbide, qui traduit, par sa provocante allusion à l’homosexualité de Mishima, le désespoir d’un immense auteur érudit, qui refuse le déclin de son pays, et de son corps. Barakei est le chef-d’œuvre d'Eikoh Hosoe qui garde sa charge encore aujourd'hui, pour le mélange des genres et des formes mis en place par le duo.