L'AUTRE QUOTIDIEN

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L'humour à froid de Louis Faurer

Le reportage et le journalisme ne l’intéressant guère, Louis Faurer penche pour la fragilité des choses, l’inconscient révélé qu'il traque inlassablement sur Times Square. Pour cela, Faurer expérimente de nouvelle techniques dans sa photographie : le flou, le grain, la double exposition, les négatifs en sandwich, des réflexions, des vitesses de film lent et l'éclairage faible pour atteindre les effets qu'il cherche. C’est à son propos que Nan Goldin a prononcé cette fameuse phrase : “on peut croire à nouveau que la photographie peut être honnête » . Ce qui n’est pas rien à nos yeux.

Sourds-muets, New York, 1950 © Louis Faurer Estate

Faurer se projette sciemment dans ceux qu’il photographie ; il s’y reconnait bien souvent, c’est le sens de sa démarche. Il croise ainsi son double, apparaît même dans le cadre, en réflexions. Chacune de ses images est « un défi au silence et à l’indifférence», le leur, le sien. Et cela le met mal à l'aise quand il s'agit de travaux de mode qui, pourtant le font subsister, quand il ne rêve qu'à capturer l'instant tragique ou décalé qu'il recherche au long des rues, allant jusqu'au flou ou au décadré pour y arriver, à une époque où personne n'osait; une démarche que le magazine Provoke légitimera, mais seulement à la fin des années 60… Cette déchirure entre ce qu’on lui demande et ce qu’il veut lui fit plus tard abandonner ses travaux de commande pour se consacrer à ses recherches personnelles.

Ce photographe discret n'aura finalement jamais atteint la reconnaissance de ses pairs, les Robert Frank, William Eggleston ou Edward Steichen, qui lui avait pourtant donné un coup de pouce en intégrant son travail aux grandes expositions du Musée d'Art Moderne de New York, « In and Out of Focus » en 1948 et « The Family of Man » en 1955, dont il était le curateur. Son objectif sonde avec une profonde sympathie et un regard distancié des moments et des êtres auxquels il confère une singularité par sa prise de vue. Et pour cela, Faurer expérimente de nouvelle techniques dans sa photographie :  le flou, le grain, la double exposition, les négatifs en sandwich, des réflexions, des vitesses de film lent et l'éclairage faible pour atteindre les effets qu'il cherche. Il est exigeant et connu pour être un perfectionniste infatigable quand il s'agit du développement de son travail en chambre noire. Dans la revue japonaise Déjà Vu, parue en 1994 qui lui est entièrement consacrée, il est question de redécouverte, de style en avance sur son temps et de ces quelques mots de Nan Goldin :
« on peut croire à nouveau que la photographie peut être honnête » ; comme à vouloir montrer ce qui se joue dans l'instant et la constitution de cet instant-là.

Jean-Pierre Simard

Louis Faurer, Twins, New York 1947

Louis Faurer, Win, Place and Show, métro aérien de la 3e Avenue à la 53e rue, New York, c 1946-1948

Louis Faurer, Market Street, Philadelphia.

Louis Faurer, New York, 1950