Exploser la surface de l'eau avec Lollise

Est-il possible de mettre tout son être dans un seul album ? Un artiste peut-il faire un disque qui résume les nombreuses facettes interconnectées de son être en une poignée d'enregistrements ? Peut-être pas - et peut-être est-il impossible d'en être sûr - mais pour les artistes véritablement compétents, la simple tentative peut s'avérer fructueuse. Le premier album de l'artiste multimodale Lollise, I Hit the Water, en est la preuve éclatante.

Née au Botswana et basée à New York, la palette de Lollise est large. Elle ouvre I Hit the Water dans un style nettement folklorique, chantant en setswana sur des bruits de la nature et un refrain sans paroles pendant la durée d'une brève introduction, "Khukhwane". De là, elle glisse doucement vers un mélange plus équilibré de bourdonnements électriques et de percussions non branchées sur "Bridge to Nowhere", une chanson dans laquelle elle explique clairement sa mission : "Moi, je cours, et je m'en fiche / Je vais construire un pont vers nulle part / Vous pouvez venir, ou vous pouvez rester là / J'ai construit ce chemin pour moi." Au fur et à mesure que le chemin se déroule, nous suivons, mais il est évident que Lollise a raison : c'est son chemin que nous voyons, et elle ne compromet pas son flow pour entrer dans la boîte de quelqu'un d'autre.

Au contraire, Lollise est toujours en mouvement. Elle passe de l'anglais au setswana et au kalanga dans ses textes et du highlife au kwaito et à l'EDM (pour n'en citer que quelques-uns) dans sa musique. Elle offre des récits profondément personnels de son passé et de son présent, chacun fournissant des éléments de construction traçant une trajectoire vers un futur inconnaissable. Parfois, Lollise met les intrigues à nu : "eDube", lumineux et révérencieux, est un hommage à son père décédé ; "Semang Mang", proche du gqom, est une méditation énergique sur la confiance en soi et la recherche de l'approbation des autres ; "Iron Woman" est une critique grondante des structures de pouvoir racistes et misogynes qui règnent sur les industries de la santé et du bien-être.

Dans la rêveuse "Mme Mma Ndi", Lollise réfléchit à la façon dont elle a répondu ou non aux attentes de sa mère. Dans d'autres chansons, Lollise mêle poésie et folklore dans des combinaisons évocatrices. Dans l'envoûtant "Blue Skies", elle contemple sa place parmi les plus grandes forces de la nature ; les couplets de la très synthétique "iKalanga" se lisent comme des proverbes bien ficelés.

Le dernier titre de I Hit the Water est "It's Me", une ballade qui place la voix de velours de Lollise au premier plan, sur des tonalités enflées et des rythmes doux. Ici, elle scelle la vision du monde qu'elle a passé tout l'album à construire, mettant en perspective son existence comme étant inextricablement liée à d'autres vies. "Cela ne va pas durer éternellement / La vie continue", chante-t-elle, les refrains "on and on and on and" soulignant l'écoulement sans fin du temps dans lequel Lollise se trouvera toujours. I Hit the Water n'est pas interminable, mais plein à craquer. C'est une merveilleuse autobiographie dans laquelle Lollise a mis autant de sa personne aux multiples facettes qu'il est humainement possible de le faire. Brillant, tourbillonnant et captivant, ce premier ouvrage mérite toute votre attention.

Jimmy Two, le 23/09/2024
Lollise - I hit the Water - Switch Hit Records