Retour de flamme avec le “Warm & Cool” de Tom Verlaine
Le septième album solo de Tom Verlaine, “Warm and Cool”, est sorti en 1992. L'année entre “Nevermind” et “In Utero” de Nirvana. L'année où le groupe de Verlaine, le révolutionnaire Television, a sorti son propre album éponyme, le groupe s'étant reformé après avoir connu son heure de gloire à la fin des années 70. “Warm and Cool” était un album entièrement instrumental, axé sur des sonorités douces et des paysages sonores éthérés. Il a été négligé à l'époque, en grande partie parce qu'il était juxtaposé aux albums phénomènes mentionnés ci-dessus.
Une seconde explication du côté de la presse de l’époque : Stereo Review écrivait que l'album "permet à Verlaine d'explorer de nouvelles voies d'expression à la guitare, en appliquant le minimalisme d'un rocker postmoderne réfléchi, le talent d'improvisation d'un jazzman et la prédilection d'un guitariste des années 50 pour la réverbération et le twang". Le Vancouver Sun estimait quant à lui que l'album "ne décolle jamais vraiment ; il y a quelques beaux moments d'accalmie”
Pour le Washington Post, 'il s'agit en grande partie d'un néo-rockabilly cool et dépouillé avec une touche d'Henry Mancini. Le Calgary Herald notait que la guitare peut sonner comme si Ry Cooder rencontrait Angelo Badalamenti dans un garage juste à côté de Central Park à New York; et enfin, Le Houston Chronicle qualifiait Warm and Cool de "probable premier album New Age urbain".
Comme l'explique la partenaire de Verlaine à l'époque, l'artiste Jutta Koethner (qui a également pris la photo enchanteresse qui orne la pochette de l'album), Warm and Cool a été enregistré en grande partie lors de deux sessions en juin 1992, les compositions étant "presque improvisées", avec le producteur Patric A. Derivaz à la basse et Billy Ficca, un membre du Television de Verlaine, à la batterie. Dès les lentes notes de guitare prolongées de son premier album, "Those Harbor Lights", Warm and Cool donne un ton particulier, contraire à l'air du temps. L'album a été remixé pour le vinyle et le son est spectaculaire, mettant en valeur l'instrumentation de Verlaine. Clair que, quand Nirvana dé&fouraille le mal-être de l’époque via Cobain, son rockabilly new age reste un peu en travers de la gorge et ne parle à quasi-personne. D’où l’idée de le réhabiliter maintenant puisque Verlaine taillait sa route, comme à l’habitude, à l’écart.
Sur "Sleepwalkin'", la guitare de Verlaine se promène dans l'ombre, disparaissant et réapparaissant comme au coin d'une rue sombre, à la lueur d'un réverbère. "The Deep Dark Clouds" est une improvisation de trois minutes. "Saucer Crash" est volontairement sobre, la basse et la guitare menaçant d'envahir l'ensemble d'une tension qui ne fait que bouillonner sous la surface. "Boulevard", l'avant-dernier morceau de la première face, permet à Verlaine de faire une pause dans la lourdeur avec une ligne de guitare que l'on peut simplement qualifier d'enjouée et presque ludique.
Sur la deuxième face, "Spiritual" est exactement cela, une méditation béate à la guitare. "Little Dance" est également assez direct, avec un rythme nerveux et une démarche de trotteur. "Ore" est avant-gardiste, arythmique et bruyant. Et "Lore" clôt l'album avec plus de six minutes et demie d'expérimentation et d'improvisation à la guitare, Verlaine se rapprochant le plus possible du déclenchement d'un feu de six cordes.
Rétrospectivement, et en dehors du contexte de l'année de sa sortie, Warm and Cool peut être redéfini. Il ne doit plus être négligé dans le catalogue de Tom Verlaine. Il peut être célébré pour ce qu'il est, un merveilleux album de guitare instrumentale sombre et hypnotique qui, bien que spectaculairement déplacé en 1992, peut enfin être réévalué et éapprécié avec d'autres yeux. Maintenant, vous en pensez ce qui vous arrange le mieux, hein …
Jean-Pierre Simard, le 236/06/2024
Tom Verlaine - Warm & Cool - Real Gone Music 2024