L'AUTRE QUOTIDIEN

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Bilan provisoire : 50 ans d'Histoire à faire froid dans le dos avec Kiki Picasso

Après l'exposition à la Maison Rouge en 2018 et à l’Hotel Beaubrun, Kiki Picasso continue son périple parisien à l’espace Niemeyer, siège du Parti communiste Français. La présentation de 50 peintures racontant 50 évènements de l’histoire récente lui permet de questionner l’actualité et changer notre regard sur l’état des lieux du monde avec son « Bilan Provisoire » ; présenté pour la première fois présenté en intégralité.

Cela a commencé en 2017 par la commande d’une peinture murale dans le cadre d’une exposition sur les contre-cultures des décennies 1970 et 1980, en France (L’Esprit français, contrecultures 1969-1989, La maison Rouge, Paris, 2017, commissaires : Guillaume Désanges et François Piron). La réponse de Kiki Picasso fut de produire vingt tableaux cruels et festifs au sous-titre savoureux (« Il n’y a pas de raison de laisser le bleu, le blanc et le rouge à ces cons de français »). Cette grande fresque historique fonctionnait par association libre, anachronique et décalée entre des événements hexagonaux (un ou deux par an) et des représentations inspirées d’images de la presse venant l’illustrer. Un télescopage iconographique brutal, déhiérarchisé, punk, qui semblait s’arrêter de manière arbitraire sur des motifs tirés du flot continu de l’actualité comme sur le rouleau d’une machine à sous.

La série s’est depuis augmentée, pour atteindre une cinquantaine de toiles, s’ouvrant à l’actualité internationale. Un bilan aussi méthodique qu’outrageusement parcellaire, et donc chaotique, insensé, sans morale, échouant volontairement à faire système. Ça ressemble, selon les points de vue, à une série catastrophe, un bêtisier ou une chaîne d’info en bug freezant aléatoirement. La grande tradition de la peinture d’histoire caviardée par l’ironie pop, à mi-chemin entre propagande et publicité, célébration et critique, vanité documentaire et calendrier de l’avent trash.

Ce qui fait lien entre tous ces événements ou anecdotes disparates, c’est la forme, ce style à la fois évident et inimitable de Kiki Picasso. Cette figuration grinçante aux couleurs criardes qui place tout au même niveau, c’est-à-dire ici dans un univers de paillettes colorées, faisant des protagonistes de l’histoire des acteurs et actrices outrageusement maquillé·es, en représentation, surjouant la joie, l’ennui, la tragédie ou la douleur. Toujours du spectacle. Avec en fond, tapi sous les ciels multicolores et derrière les mines réjouies, un mauvais présage sur l’issue de cette saga planétaire dont on ignore s’il y aura bien une prochaine saison.

Guillaume Désanges (Président du Palais de Tokyo)

Il fallait oser et Kiki Picasso l’a fait ! Son bilan provisoire, cinquante événements, un par an, en cinquante tableaux peints, transforme le voyage dans ce demi-siècle écoulé en une rétrospective pleine de couleurs. Et pourtant, ce demi-siècle, le nôtre, c’est celui qui vient de faire entrer la planète dans un avenir empli d’autant de promesses que de dangers majeurs pour l’humanité, un avenir souvent brutal et incertain. Avec la précision du dessin dans lequel il excelle et les émotions colorées avec lesquelles il regarde les tourments de ce monde, Kiki Picasso repeint l’actualité, et nous invite, l’air de rien, au fil d’une balade lumineuse, à la questionner. Traverser le bilan provisoire de Kiki Picasso, c’est comme regarder notre monde dans un étonnant documentaire pictural, suivre nos vies le long d’un mur d’animation remarquablement peint.

Dans cette histoire racontée en cinquante tableaux, il n’y a ni le début, ni la fin. L’état provisoire du monde est une invitation à écrire la suite. Ce n’est pas une exposition qu’il faut découvrir en spectateurs mais en actrices et acteurs de ce monde en mouvements. La palette de l’humanité est entre nos mains. L’art change notre regard sur l’autre et sur le monde. C’est ce qui nous a plu à Libres comme l’art en ouvrant l’espace Niemeyer au bilan provisoire de Kiki Picasso, se dire que la fin de l’histoire, çà n’existe pas. C’est à nous de la peindre.

Pierre Laurent (Président de Libres comme l’art)

Deux lustres après Fromanger, au même endroit, Kiki Picasso continue de délivrer un certain journal de l’image, à interpréter - et nous prêter - sa vision du monde, sans pub, ni Hanouna. Il n’y est pas question de faire dans le trop car c’est le monde qui l’est. Trop ! A la façon de dévoir/dévoyer l’info des chaînes d’info très très à droite, Kiki oppose le plus brut de la matière unifiée par son style reconnaissable à la première toile - et ce, depuis Bazooka. Démythifier, détruire les faux-semblants, passer et repasser le plat du réel qui échappe ou qu’on voudrait ( nous faire) oublier. Tout y est, des petits escrocs aux grands médaillé ou pas, des présidents au petit pied, comme au large sourire. A la violence du non-dit, il oppose sa palette qui fait remonter la violence sournoise, voie assumée d’un monde qui part en sucette. Au poivre !

Alors, pour fêter cela dignement, une grande fête aura lieu le 26 avril prochain, fête intitulée “ Au final, on ira tous au bal” avec Oxmo Puccino, Mai Lan, Mouloud Achour, Pink Noise, Urumi, Clyde P, Ithak et le Cirque Electrique Band. Au lieu d’oublier l’Histoire, l serait peut-être temps de recommencer à l’écrire. Ensemble… 

Jean-Pierre Simard, le 17/04/2024
KIki Picasso - Bilan provisoire - > 7/05/2024

Espace Niemeyer - 1, place du Colonel Fabien 75019 PAris