L'AUTRE QUOTIDIEN

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A Galotta de Justin Fitzpatrick

Pour sa première exposition institutionnelle en France, Justin Fitzpatrick poursuit son exploration de la conscience humaine à travers le prisme de la biologie. Le terme italien Ballotta désigne une petite balle utilisée pour exprimer son vote dans une urne et a donné en français celui de ballotage, l’indécision d’un scrutin démocratique devant être levée par un nouveau tour de vote.

Justin Fitzpatrick, Chronobiology, 2022 — Huile sur toile, 140 x 110 cm Courtesy de la galerie Sultana © Justin Fitzpatrick et Adagp — Paris, 2023 © Photo : Gregory Copitet

La question de la voix, entendue comme une prise de décision lucide est au cœur de cette exposition qui s’intéresse aux liens entre conscience et multicellularité. Elle fait l’hypothèse que notre pensée est une assemblée qui fédère les volontés de chaque cellule de notre corps : plutôt que d’être unitaire et cohérente, elle serait un agrégat de différentes intentions : parfois en tension, parfois en accord les unes avec les autres.

La question de l’unicité de la conscience humaine traverse l’histoire de la philosophie. Chez Aristote, l’homme est un composé vivant de formes et de matières, mais son esprit est une substance divine. Averroès, philosophe du XIIe siècle, opinera que ce « je » qui pense est en fait une puissance commune de l’humanité, qu’il appelle intellect. Les philosophes de Lumières poursuivront cette grande quête métaphysique avec le Cogito ergo sum de Descartes et l’idée d’un fondement absolu de la conscience. Pour Ballotta, Justin Fitzpatrick s’intéresse à l’œuvre la plus singulière de Denis Diderot : Le Rêve de D’Alembert (1769), qui fait l’hypothèse que la sensibilité est répandue à travers toute la matière et aborde le vivant comme une circulation : tout est dans tout.

« J’utilise beaucoup de textes et de formes textuelles dans mes tableaux, et je m’intéresse au moment charnière où le texte devient corps, aux choses qui peuvent osciller entre lisibilité et sensibilité. » — Justin Fitzpatrick

À l’aide de réflexions biologiques contemporaines, comme celles de Lynn Margulis ou de Nick Lane, Justin Fitzpatrick divise son exposition en plusieurs chapitres correspondant à divers systèmes corporels, les hormones (système endocrinien) et les nerfs (système nerveux), par lesquels nos corps s’écoutent, perçoivent le monde qui nous entoure et entrent en communication avec eux-mêmes et les autres. Il y présente deux grandes séries de tableaux et de sculptures produites pour l’occasion, ainsi que sa première œuvre vidéo.

Dans cette fresque biologique rocambolesque, l’histoire des premiers traitements de fertilité synthétisés contenant de l’urine de nonnes italiennes croise l’histoire des mitochondries : les moteurs énergétiques de nos cellules, que nous partageons avec l’ensemble du vivant sur terre.

L’exposition Ballotta de Justin Fitzpatrick a été sélectionnée par la commission mécénat de la Fondation des Artistes qui lui a apporté son soutien. Elle reçoit également le soutien du dispositif aide individuelle à la création de la région Centre-Val de Loire.

Johnny Deep, le 27/03/2024
Justin Fitzpatrick - Galotta -> 28/07/2024
La Ferme du Buisson Allée de la Ferme Noisiel 77186 Marne-la-Vallée

Justin Fitzpatrick, Self Portrait as a respiring cell, 2023 © Justin Fitzpatrick