L'AUTRE QUOTIDIEN

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Éveil et conscience photographique de Tina Modotti

L’image a-t-elle une conscience ? L’image sert-elle à l’éveil ? A cela, Tina Modotti s’est confrontée tout au long de sa vie de photographe et d’après. A traverser les combats communistes jusqu’à sa fin en 1942, elle aura laissé les traces d’un certain regard éveillé et d’une conscience pointue des injustices, comme des bouleversements sociaux et politiques des lieux traversés qu’elle aura modelé de son regard, avec son objectif. Rétrospective au Jeu de Paume.

La vie de Tina Modotti (Udine, Italie, 1896 — Mexico, 1942) a été marquée par quelques-uns des événements historiques les plus importants de la première moitié du XXe siècle : l’émigration économique des Européens vers l’Amérique, la naissance du cinéma muet sur la côte ouest des États-Unis, les mouvements agraires post-révolutionnaires au Mexique, l’essor du muralisme politique, la revendication de la culture indigène mexicaine, l’émancipation des femmes dans la sphère publique, l’opposition entre staliniens et trotskistes après la révolution russe de 1917 et la guerre civile espagnole. Elle fait partie d’une génération de femmes qui a apporté une contribution majeure à la photographie des années 1920, et si l’on ne peut à ce jour lui attribuer que quatre cents photographies environ, leur nombre augmente à chaque nouvelle découverte, comme en témoigne cette exposition. Tina Modotti a exercé une grande influence sur la photographie mexicaine ultérieure, de Manuel Álvarez Bravo à Graciela Iturbide.

Modotti s’est initiée à la pratique de la photographie grâce à Edward Weston ; toutefois, son œuvre, qui développe une vision très personnelle, dépasse l’enseignement formaliste de ce dernier. Après son émigration économique depuis la ville italienne d’Udine jusqu’à San Francisco et Los Angeles, Modotti part pour le Mexique, où elle participe à la « renaissance mexicaine » et à l’effervescence culturelle post-révolutionnaire. Intégrée au cercle des artistes et des muralistes établis sur place, elle allie rapidement une « photographie incarnée » au formalisme de Weston : le fait d’être issue d’une famille modeste, d’être une immigrée et d’être née femme influence son regard, le rendant particulièrement sensible aux injustices sociales.

Woman with Flag, 1927, The Museum of Modern Art, New York

Militante du Parti communiste mexicain (PCM) dès 1927, elle dénonce la condition des démunis avec son appareil photo, insistant notamment sur la construction d’un nouvel imaginaire autour des femmes mexicaines. En 1930, Modotti est expulsée du Mexique en raison de son engagement communiste. Elle vit alors pendant plusieurs années en Union soviétique, où son militantisme photographique se transforme en activisme : en effet, il semble qu’elle abandonne la photographie pour se consacrer à la politique. Au milieu des années 1930, le Parti communiste soviétique l’envoie en Espagne. Durant la guerre civile, elle a la charge de la coordination du Secours rouge international (SRI) : elle organise l’évacuation des « enfants de la guerre », coordonne la gestion des hôpitaux militaires et mène à bien les missions relatives à la propagande. À la suite de la défaite des républicains en 1939, elle traverse les Pyrénées aux côtés de milliers d’exilés. Épuisée et désillusionnée par l’issue de la guerre d’Espagne, elle doit à nouveau quitter l’Europe. Elle décède en 1942 dans la ville de Mexico.

Si on veut vraiment parler de l’expo, il n’en faut pas dire trop de bien; ce serait déplacé. Je comprends de moins en moins les muséographies en cours ; on vous balise le terrain en vous offrant un cartouche d’entrée de salle qui vous raconte ce que vous allez voir sans tirer des plans sur la comète, ni vous offrir des grands tirages - ou si peu … Pourquoi encadrer un regard ? pourquoi faire preuve d’un tel esprit pour cette artiste-ci ? Son communisme, vraiment pas de façade avait son propre discours , ses rythmes et ses innovations que l’on ne retrouve qu’évoqués au fil des salles. Pas de moment de repos, des juxtapositions qui finissent par coincer - comme si l’on refusait de se mesurer à l’histoire et aux rêves des débuts du communisme, celui de Kolontaï, pas celui d’après les procès…  Apprentie, apprentie star à Hollywood, photographe de terrain partout et surtout en son pays d’adaptation, aux côtés des artistes qui comptent, à l’aise comme un poisson sans bicyclette - et en vivant fort ses idées et ses passions au fil d’une vie qui colle à l’Histoire.

C’est ce qu’il faut en retenir, de ses découvertes qui ne vueltn que témoigner d'e l’état d’un monde qu’on voit en serviteur, à la cadrer pour le faire parler ce que les autres ne voient/voyaient pas ou mal . Modotti c’est grand, mais c’est une autre histoire. Trouvez-là dans les livres, faites votre portrait de l’artiste en jeune chienne de chasse de l’instant qui se fige sous son regard et son objectif. LA rétrospective ne peut se comprendre que comme une envie d’aller plus loin, mais sans trop s’en donner les moyens. Allez-y pour vous donner des envies, des pistes et faites ensuite votre propre chemin dans son œuvre. Sans démollir, faut pas mollir !

Jean-Pierre Simard, le 6/03/2024
Tina Modotti - L’œil de la révolution -> 12/05/2024

Jeu de Paume Paris - 1, place de la Concorde 75001 Paris

Tina Modotti- proto-star, ne vous fait-elle pas penser au jeune Antonin Artaud ?