Textures contemporaines au travers du miroir de l’archéologie
L’immobilité silencieuse des images d’Erieta Attali est l’illusion de l’intemporalité. « Cette illusion primale est sa quête et nous permet de percevoir l’architecture comme non fixée, occupant temporaire de la nature », souligne, l’architecte basé à New York, Carlos Brillembourg.
Au cours des premières années de ma carrière, une partie de mon travail de photographe archéologique consistait à révéler des textures. Il s’agissait d’un processus essentiel, lié à l’identification scientifique et à la documentation appropriée des résultats. J’étais particulièrement obsédée par les peintures murales – sur les murs anciens et les surfaces architecturales des tombes notamment – ainsi que par les microsculptures et les objets en ivoire trouvés sous terre. J’essayais de révéler toutes les textures et les formes de ces minuscules artefacts, et ce n’était pas facile. Cette façon de travailler s’est transposée dans ma photographie d’architecture : le dévoilement des textures.
Les fragments archéologiques sont en effet des restes d’objets et de bâtiments du quotidien, dispersés sur le site mais fortement liés les uns aux autres. Cela fait partie du processus archéologique d’essayer de comprendre l’image complète que décrivent ces vestiges, et cela se fait en révélant leur relation avec le contexte.
Par conséquent, mon travail a commencé sur des sites archéologiques entiers où le tissu de liaison entre les fragments d’architecture érodés était le paysage lui-même. J’ai donc dû photographier également le paysage ; c’était inévitable.
Je me souviens d’une de mes commandes les plus importantes portant sur l’ensemble d’un chantier de fouilles : c’était à Knossos, en Crète. Cela revêt également une importance particulière pour moi en raison du timing. Cela a eu lieu immédiatement après mon premier séjour de cinq mois au Japon, où j’ai couvert l’architecture contemporaine en verre dans tout le pays. Le verre, perçu depuis un cadre très avant-gardiste jusqu’à un palais en pierre vieux de plus de trois mille ans, offrait un contraste intriguant et remettait en question mon outil conceptuel en tant que photographe. Il s’agissait en effet dans les deux cas de paysages avec des fragments d’architecture, mais dans des manifestations radicalement différentes.
L’échelle de la photographie archéologique varie du petit objet à la fresque souterraine, en passant par la documentation complète du site de fouilles. Si le petit format a développé mes qualités d’observation matérielle, c’est au cours de ma longue implication dans ce dernier type de projet photographique que j’ai constitué un vocabulaire visuel ; celui qui lit les structures comme des éléments d’un site ou d’un paysage.
Plusieurs années passées à explorer l’architecture fouillée autour du monde méditerranéen m’ont permis d’acquérir une compréhension unique de ce lien réciproque ; une connaissance qui est finalement devenue une base et un pont facilitant mon passage de la photographie de paysage à la photographie d’architecture.
Erieta Attali, pour Chroniques d’Architecture, édité par la rédaction le 21/10/2024
Textures contemporaines au travers du miroir de l’archéologie