Sur la route avec Hervé Le Corre et “Qui après nous vivrez”
En 2020, on a pu croire que le monde changerait et qu’on vivrait un avant et un après. Malheur, à l’inverse de nos attentes, ce dernier est devenu ce que McCarthy avait envisagé avec La Route, une survie dans les décombres d’un implacable toujours plus glaçant. Le Corre s’est dit alors qu’il devait le manifester avec d’autres armes que le filtre du polar. Et il s’est réinventé en suivant d’autres pistes qu’on découvre dans Qui après nous vivrez.
Et cela donne ceci : A la fin du XXIe siècle, dans une grande ville de province, une jeune femme et son compagnon viennent malgré les crises à répétition, de donner naissance à un enfant. Un jour, le réseau électrique français s'effondre et une émeute plus violente que les autres éclate. Le jeune père ne rentre pas chez lui. Pour sa compagne, l'angoisse va grandissant. Trois générations plus tard, dans un monde où toute technologie avancée a disparu, un petit groupe de gens a trouvé un abri de fortune dans une maison campagnarde qui a échappé à la destruction.
Pas pour longtemps. Des pillards vont bientôt l'incendier et les survivants vont devoir fuir sur les routes avec leur carriole et leur cheval. Commence une épopée proche du western, où chaque jour l'enjeu est de survivre...
En plus énervé, chez Actu du Noir par Jean-Marc Laherrère, on arrive à ceci : “Quelque part au milieu du XXI° siècle, d’un coup, dans un pays aux prises avec épidémies, guerres et canicules l’électricité est coupée. Entièrement et définitivement. C’est immédiatement le chaos. Martin, Rebecca et leur fille Alice vivent dans un appartement, dans une grande ville. Un matin Martin part travailler et ne revient pas.
Des années plus tard, dans une campagne livrée aux bandes armées, Nour et sa fille Clara se sont associées à Marceau et son fils Léo pour survivre. Et tentent de trouver un havre de paix dans un pays devenu totalement barbare où règne la loi du plus fort.
Si avec les guerres en cours, la montée des fachos et la nomination du nouveau gouvernement vous avez besoin de lire quelque chose de léger et réconfortant, je vous conseille de passer votre chemin. On ne va pas se mentir, le dernier roman d’Hervé Le Corre est plombant. Et vous vous en doutez extrêmement bien écrit.
L’anticipation qu’il fait ici est particulièrement pessimiste, même s’il serait très difficile de dire sur quel point elle est exagérée. Il faut sans doute y voir un conte philosophique qui résume ses craintes sur un avenir possible. Craintes qu’il est difficile de ne pas partager. On peut juste espérer que tout, absolument tout, n’aille pas aussi mal. Il en résulte un roman terrifiant, qui fait la part belle à quelques magnifiques portraits de femmes et qui offre, de temps en temps, de très rares et très éphémères percées lumineuses dans les ténèbres qui tombent sur les personnages.
C’est beau et désespérant, à vous de voir si vous êtes d’humeur à vous y plonger.”
Pour saisir l’ampleur du propos, on subit plutôt qu’on agit, au temps de Attal 1 et de Dati n’importe quoi… Vous auriez aimé un monde plus égalitaire qui répondait à vos attentes, détrompez-vous, le monde Bolloréen vous a rattrapé, vous vivez dorénavant sous la coupe médiatique des angoissés du tout et n’importe quoi qui font ramper la vie et le pensée à l’aulne de leur petitesse et de leurs voies détournées pour rester là. Vous entrez de plein pied dans 2024. Ne perdez pas le moral, luttez pour aller au-delà de la survie. Sans cela …
Jean-Pierre Simard, le 17/01/2024
Hervé Le Corre - Vous qui après nous vivrez - éditions Rivages Noir