Manu Dibango, conversations (éclairantes) avec Yves Bigot
D’en dehors en à-côtés, “Manu Dibango - conversations avec Yves Bigot”, s’avère un excellent livre d’entretiens qui déroule les dessous d'une carrière musicale via l’histoire singulière d’un homme à l’identité multiple. Des conversations vivantes portant sur des thématiques toujours actuelles comme l’intégration, le fait d’être français avant l’indépendance ou le panafricanisme. Lumineux !
Connu comme l’un des inventeurs de la world music, on réalise assez peu à quel point Manu Dibango fut un géant de la musique du XXe siècle, combien il a compté de Je veux être noir à Soul Makossa, du jazz au funk, de la soul au rap. À travers ce livre transparaît sa vision singulière du jazz, de la variété et de la chanson françaises, de Michael Jackson et de Quincy Jones mais aussi de l’Afrique et des Africains, de l’immigration, du panafricanisme et de la colonisation. En parallèle se construit le récit de son odyssée pionnière entre Douala, Paris, Bruxelles, Kinshasa, New York, Abidjan, Londres, Yaoundé et Champigny et se dessine le portrait d’un homme que les années, les voyages et les rencontres auront rendu sage, mais que le COVID aura tué.
Paru, en face B, à l'occasion de la coupe d'Afrique des Nations en soutien aux Lions Indomptables du Cameroun, « Soul Makossa » constitue dès sa parution en 1972 un véritable manifeste culturel. Ce titre est la porte d'entrée naturelle dans l'œuvre foisonnante de ce compositeur et saxophoniste d'exception, qui a su fusionner l'afro-beat de Fela Kuti et le zouk de Kassav', et donner naissance à la world music. Les tribulations artistiques de Manu Dibango l'ont conduit de Reims à Bruxelles, de Douala à Abidjan, de Paris à New York, où il a partout été acclamé, devenant dans les années deux mille le patriarche de la musique africaine. C’est plus que passionnant de lire ces conversations entre deux amis de longue date qui ne jouent jamais l’esbroufe, mais toujours la clarté dans l’écoute de l’autre. De la fin des années 50 à la faute aux maladies nosocomiales, deux voix singulières qui donnent une image précise et versatile d’un homme-musique à toujours redécouvrir. Hybride un jour…
Jean-Pierre Simard le 27/03/2023
Yves Bigot - Manu Dibango, conversations avec Yves Bigot - Le mot et le Reste