BLAM BLAM le retour de Frank Miller à Sin City
Avec le lancement de son nouveau label Frank Miller Presents, Frank Miller relance son plus célèbre univers avec plusieurs spin-off de Sin City au milieu de plusieurs annonces. En France, Huginn et Muninn ressortent la série avec deux éditions pour marquer le coup.
Si Huginn et Muninn a annoncé publier les nouveautés proposées par Frank Miller et Dan DiDio dans leur label en 2024, ils démarrent cette année avec la réédition de l’œuvre originelle dans une nouvelle traduction d’Henri Loevenbruck complétée par des introductions de Yann Graff et Jean-Marc Lainé.
Les 7 volumes, ainsi que 300, vont faire l’objet d’une double édition, une standard souple et une collector cartonnée. Outre son aspect collector, papier, reliure, frise… la version collector proposera des illustrations bonus par Frank Miller et d’autres dessinateurs. Pour 300, c’est plus étonnant, l’éditeur propose une version à l’italienne (comme la version précédente chez Rackham) et une version “comics” qui correspond à la première mouture du projet au format vertical, traduit ici par Yann Graff.
Une manière de remettre Sin City dans toutes les mémoires, ou les bibliothèques, juste avant les grosses nouveautés proposées par le label Frank Miller Presents. L’auteur a annoncé des spin-off de Sin City dont Sin City in Colors par Milo Manara (prévu en 2024 par Huginn et Muninn) ou Sin City 1858, une déclinaison western de sa ville mythique. Mais aussi la suite de Ronin (également annoncé chez nous) puis Pandora et Ancient Enemies pour compléter ce lancement.
Si vous n’avez pas encore réservé votre Airb’n’b à Sin City…
Petit topo sur la région, j’espère que vous aimez les romans noirs, les histoires qui finissent mal et les chocs frénétiques —affectifs et graphiques— parce que cette série vous prend littéralement aux tripes. Frank Miller réussit le tour de force de nous pousser à nous identifier à des salauds dans un monde où la violence est la seule norme et où la férocité est le langage commun.
Chaque épisode est une histoire de vengeance et s’attache à un crime particulièrement abject, le sulfureux Miller ne semble pas avoir de limite, mais nous garde captifs par la beauté de ses compositions et de sa mise en scène. Les sept recueils peuvent se lire presque indépendamment même si les personnages se croisent, reviennent le temps d’un flash-back, d’un caméo ou d’une histoire courte… aussi la lecture des albums dans l’ordre de publication est conseillée pour en tirer tous les fils.
Derrière un dessin dur, carré et qui tranche avec la production de l’époque, Frank Miller impose son trait novateur dans ses premiers comics. Avec Sin City, il va aller encore plus loin dans la stylisation créant des compositions audacieuses et inédites. Ce jeu de lignes et de simplification est rehaussé par une réflexion sur le noir et blanc qui donne une force folle à ses compositions.
Mêmes gueules, nouvelles voix ?
La grande question de ces rééditions, après l’arrêt de commercialisation chez Rackham, portait sur la traduction, Lorraine Darrow nous avait habitués à une version très orale et argotique de Marv’ et ses semblables qui collait parfaitement avec l’atmosphère du titre. L’auteur Henri Loevenbruck propose une nouvelle version un poil plus littéraire en gardant la langue propre à ce type de polar et propose une version qui marche très bien aussi avec les planches de Miller.
Cette version nouvelle rejoint le projet de Miller, de créer une série de polars hard-boiled qui en reprendrait les codes pour les sublimer avec son approche graphique qui tranche avec le comics des années ‘80. Le dessinateur explore les possibilités offertes par le jeu du noir & blanc. La plume griffe la page à chaque averse, les ombres se déplacent avec le décor, les silhouettes deviennent les cases, les onomatopées deviennent personnages…Frank Miller polarise son talent dans l’expérimentation graphique qui accompagne ce polar crasseux.
À chaque nouveau volume, ses expérimentations vont de plus en plus loin, avec l’apparition de la couleur unique (associé à un personnage) aux compositions de pages éclatées proches de l’un de ses maîtres, Will Eisner (on en parle ici).
On ne peut que se réjouir de retrouver une série indispensable en librairie pour que de nouveaux lecteurs & nouvelles lectrices se penchent sur cette œuvre qui a marqué l’histoire de la bande dessinée. L’autre bonne nouvelle, ce sont les spin-off annoncés et le retour de Miller aux comics après un long passage à vide de ce côté-là. Curieux de voir comment le dessinateur peut renouveler son approche trente ans après, mais ce sera pour l’année prochaine. Célébrons déjà ce premier retour.
Thomas Mourier, le 9/10/2023
Frank Miller -Sin City (2 volumes dispos sur 7) - Huginn et Muninn Traduction d’Henri Loevenbruck
-> Les liens renvoient sur le site Bubble où vous trouverez les ouvrages évoqués