François Bayreuth, Gilb’R, Liminanas et Achim Maerz
Avant de vous entretenir des reparutions bienvenues d’Emmanuelle Parrenin et du Gilb’R avec Judah Warsky, démarrons en petite foulée avec un choix entre Afrique et Perpignan, jazz et électro ; soient John Ondolo, les Liminanas, André Minvielle et Achim Maerz. On évitera de gloser sur le CNR, un nouveau roi venant de débarquer pour faire oublier les inondations au Pakistan et la non volonté affichée de faire payer les pollueurs. Fermez les yeux…
John Ondolo a passé sa vie à voyager entre la Tanzanie, où il est né, et le Kenya, où il a enregistré une série de singles pour des labels indépendants à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Contrairement à la plupart des guitaristes de la région, Ondolo utilisait un accordage ouvert (un des préférés des guitaristes de blues américains), créant un bourdon hypnotique sur lequel il posait des variations rythmiques sans fin sur ses thèmes principaux. Inspiré par l'explosion de la scène musicale pop de Nairobi, les dernières importations de rock and roll des États-Unis et la musique tribale Abakuria de sa jeunesse, Ondolo a transposé les instruments et les rythmes traditionnels sur sa guitare, la jouant parfois plus comme une harpe traditionnelle, et inventant un son totalement unique dans l'histoire enregistrée de la guitare africaine.
Cet album rassemble les rares premiers enregistrements 78 tours de John Ondolo dans le tout premier aperçu de cet artiste novateur mais méconnu. La musique retrace la production créative d'Ondolo, du chef-d'œuvre de guitare acoustique résonnante Tumshukuru Mungu à l'interaction implacable entre guitare et flûte ( !) de Kenya Style, en passant par ses enregistrements ultérieurs à la guitare électrique, à la basse et à la batterie avec le Jolly Trio, le tout lié par le sens rythmique et le style vocal uniques d'Ondolo.
L'ampleur et la variété des enregistrements d'Ondolo sont peut-être le résultat de son histoire d'enregistrement sporadique. Contrairement à des artistes plus célèbres, Ondolo n'a pas été aspiré par la scène nocturne de Nairobi au début des années 60, mais a plutôt voyagé de sa ferme dans les contreforts du Kilimandjaro à l'occasion pour enregistrer.
Hypnotic Guitar of... comprend un encart avec les paroles et les traductions, ainsi que des notes du musicien et historien tanzanien John Kitime. Restauré et masterisé de manière experte par Michael Keiffer et pressé sur un vinyle noir de 160 g chez Smashed Plastic à Chicago. Sous licence de la famille Ondolo en Tanzanie.
Soit on aime, soit on déteste, preuve que ce groupe déchaine (enfin) les passions. Autant être clair dès le départ : on aime aimer les Limiñanas. Inconditionnellement et sans concession. Les aimer tout d’abord pour ce qu’ils ont à offrir : un psyché-rock unique, entraînant et plein d’humour, qui fleure bon la fin des sixties, l’âge d’or du fuzz et du yéyé. Les aimer ensuite pour ce qu’ils sont: les catalans ont su rester simples et intègres là où tant d’autres se seraient perdus en route, entre hype et concerts de louanges. Les aimer enfin pour leur histoire. Lionel et Marie le répètent à l’envi : ils n’ont jamais eu d’ambition particulière pour les ‘Limi’. Tout ce qui leur est arrivé depuis 2009 et la mise en ligne de leurs premiers morceaux sur MySpace ‘n’était pas vraiment prévu’. Les Limiñanas savent d’où ils viennent et, surtout, ne l’oublient pas. L’humilité et la modestie érigés comme art de vivre. L’attitude, touchante, impose le respect. Rarement succès et reconnaissance n’auront été autant mérités.
Electrified, dont la pochette fait malicieusement écho au Boom des Sonics, est le premier best of du duo. Conçu sur le modèle classique des compilations des années 60/70, le disque déroule tout d’abord, et par ordre chronologique, la quasi-totalité des singles du groupe. Les 45 tours enregistrés pour les labels américains HoZac Records et Trouble In Mind, écrits à une période où le couple envisageait sérieusement de se ranger des bagnoles, ouvrent naturellement le bal. La recette de cuisine ensoleillée de Migas 2000 met d’entrée l’auditeur en appétit. Le décalé et jubilatoire Je ne suis pas très drogue lui fera, peu de temps après, esquisser le premier d’une longue série de sourires. Le ton est donné. Les classiques peuvent s’enchaîner les uns après les autres sous le haut patronage spirituel et drolatique du triumvirat Serge Gainsbourg-Jacques Dutronc-Boris Vian (Je Suis une Gogo Girl, Votre Côté Yéyé m’Emmerde).
Dans leur plus simple expression guitare-batterie-farfisa, les perpignanais et leur talk-over désabusé réussissent à rendre supportable un quotidien morose où se croisent saumons de la Baltique (Prisunic), jogging de mousseline rose acheté chez Babou (La Fille De La Ligne 15) et autres glacières de compétition (El Beach). Accompagnés de Peter Hook (Garden Of Love ou encore The Gift, que l’on jurerait échappé de Get Ready), Bertrand Belin (l’addictif Dimanche) ou Anton Newcombe (Istanbul Is Sleepy), ils parviennent même à le transcender, pour ne pas dire le sublimer. On ne s’attardera pas trop, en revanche, et malgré toute la tendresse qu’ils nous inspirent, sur Etienne Daho et son anglais de lycéen (One Blood Circle) ou Areski Belkacem, Monsieur Brigitte Fontaine, sur l’inévitable inédit qui aurait probablement beaucoup gagné à le rester (La Musique, déclaration d’amour un poil caricaturale). Symboliquement, le triple vinyle orange finit par là où tout a commencé en consacrant une face entière aux Bellas, version beta de ce que deviendront les Limiñanas quelques années plus tard.
Les trente-cinq morceaux d’Electrified sont autant d’histoires, sketchs et saynètes qui parleront à chacun d’entre nous. Nos vies sont faites de petits riens anodins qui, bout à bout, forment un grand tout. Lionel et Marie Limiñana l’ont bien compris. Preuve en est, ils en ont composé la bande son.
«Ti’bal tribal c’est le bal de tous les accents.
Du rhizome en dansant, en veux-tu en voilà.
En langues d’ici ou de là-bas.
Œcuménique et créatif, il vous tape l’enfant d’là bal, Vous joue la valse des étiquettes
Une cumbia Mingusienne de berbère les fagots, Un tcha de la tchatche de sézigue, Un fandingo en trio de Janeiro.
Et «gens passent» !
On mixe.
C’est joyeux, ludique, érotique.
C’est de vous que nous apprenons à faire danser la vie Seule à seul ou en couple En cercle circassien,
En ronde instantanée,
En petits moments de liberté. De la tête aux pieds.»
Carnet de bal
Comme si vous y étiez
Avec Fernand « Nino » Ferrer à la basse, mon ami de plus de trente ans, nous avons emmené Juliette dans un répertoire à danser.
Depuis plus de 10 ans nous écumons les salles et scènes à faire danser le monde. Nino tient les fondamentaux. Elle tient le piano et chante...
Je tiens la batterie (maigre) et je chante...
La place que je préfère. La plus animale. Elle engage tout le corps en chantant. Apprendre tous les accents du monde par la danse.
Je ne vois pas mieux pour une correspondance. Entre scène et salle.
Ce qu’on danse en scène, danse en salle.
Une réunion des espaces en un seul corps vivant. De toutes ses variations.
Seul ou en couple, en ronde des âges et des cœurs. Mano à mano.
C’est pourquoi, les premiers jours de ce confinement de 2020, le monde s’effondrait. Le mien en tous cas.
Présentiel ? Essentiel ? Existentiel ? Ne plus se frôler, se toucher, transpirer ?
Ne plus s’approcher ? « Distanciel » ?
Ne plus sortir de scène fourbu, flappi, mais des étoiles d’atomes crochus plein les mirettes ?
Adieu le bal ? Impossible...
J’ai retrouvé dans mes affaires, d’ordinateurs en disques durs, les témoignages sonores de 10 ans de bals effrénés, là où les formes s’exposent et explosent.
Au jeu, à l’amusement, à l’autre. Comme si vous y étiez :
Strasbourg, Toulouse, Miramont-de-Guyenne, Maraussan,
Le festival La voix est libre, Bal sur un pré. Bésame mucho !
Quelle joie de partager notre Ti’bal avec tous nos invités !
Pour qui n’a jamais senti la frénésie collective, aussi ardente que tranquille. Si, si, c’est possible !
Le Ti’bal Tribal
André Minvielle : batterie, voix, Juliette Minvielle : clavier, voix, Fernand «Nino» Ferrer : basse
Invités par ordre d’apparition :
Fabrice Vieira : guitare, voix, Bernard Lubat : claviers, Illyes Ferfera : saxophones, Trio Journal Intime, Lucas Spirli : accordéon, Marcel Loeffler : accordéon, Christophe Monniot : saxophone, synthé
Mais qui est donc Achim Maerz ? Depuis plus d'une décennie, ce Hambourgeois d'origine sort des EP occasionnels sur des labels de confiance tels que Wake Up ! ou Don't Be Afraid, explorant (et franchissant) régulièrement les frontières entre les morceaux prêts pour le dancefloor et les genres voisins - une musique électronique aux multiples facettes, avec beaucoup de feeling, et parfois aussi un truc qui tape fort. Il y a beaucoup à trouver dans ce mélange éclectique, mais peu à découvrir sur son créateur. Il est hamburger, graphiste, porteur d'une casquette de baseball - c'est à peu près tout ce qu'une brève recherche peut révéler. Il est d'autant plus agréable de pouvoir se plonger directement dans la musique, qui, grâce à son quasi-début d'album Relief chez Freund der Familie, douze ans après son premier single, est une expérience aussi riche que belle.
Ce qui commence par une étude dramatique au synthé et au drone, qui semble se situer entre Jean-Michel Jarre et Fuck Buttons, cède rapidement la place à un groove techno lourd, entouré d'éléments mélodiques qui rappellent très clairement "At Les" de Carl Craig. Au fil des sept autres morceaux, Maerz convoque encore plus de références, se délectant de sons IDM mid-zero, visitant une disco eighties armée d'accords deep house nineties, ou encore faisant allusion à des rythmes bass-driven qui seraient tombés en terre fertile à Bristol au début des années 2010. C'est une gamme impressionnante d'influences stylistiques que Maerz traduit de manière très cohérente dans son propre son. Amical, chaleureux, parfois légèrement mélancolique et, malgré toutes les rétrospectives dans le son, en aucun cas nostalgique. Et c'est ainsi que, morceau après morceau, on découvre qui est Achim Maerz. Relief est l'un de ces disques rares, profondément personnels, qui offrent également au grand public de nombreux moments d'identification. Essayez , vous n’y retrouverez pas le son habituel de vos sorties.
Jean-Pierre Simard le 12/09/2022
John Ondolo - Hypnotic Guitar of… - Mississippi Records
The Liminanas - Electrified - Because
André Minvielle -TI’BAL TRIBAL - LA C.A.D / L’Autre Distribution
Achim Maerz - Relief - Freund der Familie